Dorigine latine, le mot « sanctuaire » dĂ©signe la partie considĂ©rĂ©e la plus sainte d’une Ă©glise (c’est-Ă -dire la zone du chƓur situĂ©e autour de l’autel) mais aussi, selon le droit canonique, « une Ă©glise ou un autre lieu sacrĂ© oĂč les fidĂšles se rendent nombreux en pĂšlerinage pour un motif particulier de piĂ©tĂ© ».
Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si je passe par lĂ , puis-je dire qu'il s'est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un Ă  cause de sa beautĂ©, l'aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m'aime-t-on ? moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'Ăąme ? et comment aimer le corps ou l'Ăąme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont pĂ©rissables ? car aimerait-on la substance de l'Ăąme d'une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. Blaise Pascal - PensĂ©es 688 - Édition Lafuma, 323 - Édition Brunschvicg I – PrĂ©sentation du texte et de ses difficultĂ©s Ce texte de Pascal est introduit par une question simple Qu’est-ce que le moi ? », question qui prĂ©cĂšde deux paragraphes dans lesquels on peut distinguer deux parties et une conclusion. La premiĂšre partie est composĂ©e d’une sĂ©rie de trois questions-rĂ©ponses, qui semblent vouloir sĂ©parer l’idĂ©e du moi de ce qui n’est pas elle, c’est-Ă -dire l’ensemble des qualitĂ©s, mĂȘme des qualitĂ©s morales ». La deuxiĂšme partie est elle aussi constituĂ©e d’une sĂ©rie de questions l’auteur semble indiquer que le moi est inconnaissable, inaccessible OĂč est donc ce moi
 ? », et que l’illusion qu’il soit possible d’aimer quelqu’un pour son moi » doive cĂ©der la place Ă  ce constat un peu amer On n’aime jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s ». La conclusion, paradoxale, est en forme de morale ne mĂ©prisons pas ceux qui courent aprĂšs les honneurs, car s’il y a quelque chose de non superficiel, il est probablement inaccessible, et nous ne nous attachons jamais Ă  la substance de l’ñme », mais uniquement Ă  des qualitĂ©s empruntĂ©es ». On peut remarquer que cette structure linĂ©aire se double d’une structure thĂ©matique Ă  la question de la nature du moi se superpose la question qu’aime-t-on quand on aime ? La premiĂšre semble ne recevoir aucune rĂ©ponse satisfaisante ce qui est sans doute un type de rĂ©ponse ; la seconde aboutit Ă  la conclusion pessimiste en apparence on n’aime jamais personne
 », et justifie la conclusion Qu’on ne se moque donc plus
 car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es ». Ces deux questionnements sont Ă©videmment ici solidaires. Le lien entre les deux questions est donc sans doute un des enjeux d’une interprĂ©tation de ce texte. Si nous rentrons dans le dĂ©tail de ce texte, un certain nombre de difficultĂ©s se surajoutent Ă  l’aspect dĂ©jĂ  obscur du passage. Pascal entend-il rĂ©pondre ici Ă  sa question initiale ? Ce qu’est le moi, il le dit, ou plutĂŽt il le dĂ©finit le texte assimile le moi » Ă  la personne », et plus prĂ©cisĂ©ment Ă  la substance de l’ñme ». Cette dĂ©finition mĂȘme ne semble pas contestable le terme pourrait aussi dĂ©signer comme d’ailleurs le terme de personne », cette substance de l’ñme et ses qualitĂ©s, comme d’ailleurs l’ensemble Ăąme-corps ; mais Pascal isole ici, en quelque sorte, un objet particulier, auquel le nom de moi s’applique spontanĂ©ment assez bien , dĂ©signant en gros ce qui me dĂ©finit, ce qui m’est le plus essentiel, voire le support de toutes mes qualitĂ©s, par opposition Ă  ce qui se succĂšde en moi, et n’affecte pas mon essence. DĂ©finition recevable, donc, qui revient apparemment simplement Ă  prĂ©ciser ce dont parle ici Pascal. Mais cette dĂ©finition suffit-elle ? Visiblement, il demeure difficile de savoir ce qu’est ce moi, s’il ne se confond avec aucune des qualitĂ©s ». Pascal n’en arrive-t-il pas Ă  douter de la pertinence mĂȘme de cette idĂ©e, lorsqu’il pose cette question OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme ? » Le texte vise-t-il donc Ă  nous donner une rĂ©ponse, ou Ă  nous faire comprendre une difficultĂ© ? La premiĂšre partie est donc composĂ©e de trois questions-rĂ©ponses, qui soulĂšvent chacune des interrogations bien distinctes. L’homme qui s’est mis Ă  la fenĂȘtre pour regarder les passants s’est-il mis lĂ  pour me voir ? Évidemment non. La rĂ©ponse est Ă©vidente, mais quel est le lien avec la question initiale ? Il ne viendrait Ă  l’idĂ©e de personne de confondre ce qu’on est avec le fait d’ĂȘtre un passant. Alors pourquoi cet exemple ? Le deuxiĂšme exemple paraĂźt moins Ă©tonnant, mais bien banal je ne suis pas ma beautĂ© ; ma beautĂ© peut passer, je demeure moi » ; sans doute pas le mĂȘme », mais c’est bien moi » qui change, et qui de beau deviens laid par la petite vĂ©role ; tout cela est clair, et semble pour tout dire assez banal. Avions-nous besoin de Pascal pour nous dire que nos qualitĂ©s physiques ne constituent pas ce qui fait le moi » ? Que lorsque je dis j’ai changĂ© », il est bien clair que la formule suppose Ă  la fois une succession de qualitĂ©s la beautĂ©, puis la laideur et l’identitĂ© du sujet, sans quoi on ne parlerait mĂȘme pas de changement ? Les qualitĂ©s physiques se succĂšdent, elles sont pĂ©rissables » ; le moi demeure. Qui s’attache au pĂ©rissable ne s’attache pas au moi. Le troisiĂšme exemple est plus paradoxal, car il nous semble lĂ©gitime d’assimiler le moi » Ă  ce qu’on appelle les qualitĂ©s morales », au moins, prĂ©cisĂ©ment, les moins passagĂšres, les moins pĂ©rissables ». Pourtant ici encore Pascal vient dire si l’on m’aime pour ma mĂ©moire et mon jugement, m’aime-t-on, moi ? Non, car je peux perdre ces qualitĂ©s sans me perdre ». L’idĂ©e dĂ©range, car nous avons tendance Ă  identifier le moi aux qualitĂ©s morales, au moins les plus permanentes ; et il semble bien que la mĂ©moire » et le jugement » sans doute faut-il entendre ici l’intelligence ne soient que deux exemples de ces facultĂ©s qui semblent dĂ©finir mon individualitĂ©, me caractĂ©riser, bref ĂȘtre de celles auxquelles je ferais appel pour dire ce que je suis; l’argument dĂ©range, car nous savons bien que c’est une question, parfois douloureuse, de savoir si un ĂȘtre qui a perdu mĂ©moire et jugement comme cela semble ĂȘtre le cas dans la maladie d’Alzheimer, est encore la mĂȘme personne ». Si j’y rĂ©flĂ©chis, je constate qu’en un sens j’ai tendance Ă  penser le moi comme le sujet des qualitĂ©s et c’est ainsi que semble le penser Pascal avec un maximum de cohĂ©rence ; en un autre sens j’ai tendance Ă  l’identifier Ă  certaines de ces qualitĂ©s, que je dĂ©signerai comme essentielles ». Ne faut-il pas choisir ? Pour le moins, Pascal nous invite ici Ă  un nettoyage de nos pensĂ©es. La deuxiĂšme partie semble se rĂ©sumer Ă  deux conclusions pessimistes le moi est peut-ĂȘtre inconcevable ; le moi n’est jamais l’objet de l’amour. C’est cette derniĂšre conclusion qui est la plus dĂ©veloppĂ©e. Concernant la premiĂšre, on pourrait la comprendre ainsi si je me tiens Ă  cette dĂ©finition du moi comme sujet des qualitĂ©s, et surtout des qualitĂ©s morales, je ne peux rien en dire ; on en viendrait presque Ă  se demander si cette idĂ©e conserve un sens OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme ? ». Et pourtant, comment penser des qualitĂ©s sans penser quelque chose dont elles sont les qualitĂ©s ? Peut-on renoncer Ă  l’idĂ©e d’une substance de l’ñme ? La deuxiĂšme conclusion est Ă  la fois pessimiste, riche et paradoxale. On ne peut aimer le moi ; cela est clair, au regard de ce qui prĂ©cĂšde, puisqu’il semble inatteignable, indĂ©finissable, voire impensable. Mais Pascal nous fait remarquer une consĂ©quence plus surprenante on ne peut pas plus dire qu’on aime le corps que l’ñme. On est donc bien loin de l’idĂ©e que l’amour des corps n’est pas l’amour vrai, celui qui viserait l’ñme, etc. Pascal remarque qu’on n’aime jamais un corps, mais les qualitĂ©s qu’il se trouve avoir sinon j’aimerais ce corps quelques qualitĂ©s qui y fussent ». Un tel amour du corps est-il possible ? Un amour qui viserait la substance du corps, comme l’amour de la personne » prĂ©tend viser la substance de l’ñme ? Pascal dit que non ; mais on voit en tous cas que l’opposition essentielle, quand on rĂ©flĂ©chit ici sur l’amour, n’est pas l’opposition entre l’amour des corps et l’amour de l’ñme, mais l’opposition entre un amour qui s’attache aux qualitĂ©s et celui qui s’attacherait » Ă  la substance. On n’aime donc que des qualitĂ©s. Mais Pascal ne dit pas seulement que l’amour de la substance de l’ñme est impossible il dit qu’il serait injuste ». Qu’est-ce Ă  dire ? D’autant qu’à y rĂ©flĂ©chir, la double thĂšse impossibilitĂ©, injustice est doublement paradoxale. Pascal est chrĂ©tien. Le christianisme ne commande-t-il pas un amour universel, c’est-Ă -dire d’aimer tous les hommes quelques qualitĂ©s qui y fussent ? » Pascal est-il en train de nous dire que ce commandement d’amour est absurde, Ă  la fois impossible et injuste ? Que ce commandement soit en mĂȘme temps un mystĂšre, un paradoxe, cela est clair ; mais y a-t-il encore une place, dans le texte de Pascal, pour sa pertinence ? On sait que les PensĂ©es de Pascal devaient constituer une Apologie de la religion chrĂ©tienne » on en semble bien loin ici. Alors, comment comprendre ? Au terme de ce parcours, la conclusion » ou la morale du texte ne paraĂźt plus aussi paradoxale. Certes il peut paraĂźtre surprenant que Pascal semble ici excuser ceux qui vouent leur existence Ă  la recherche des honneurs – habituellement dĂ©criĂ©s par les philosophes. Mais si nous ne nous attachons jamais Ă  rien de substantiel », si en ce sens tout est attachement superficiel, de surface, au nom de quoi condamner ? On peut tout de mĂȘme s’étonner d’un tel tout ou rien ». N’y a-t-il pas des qualitĂ©s » qui ont plus de valeur que d’autres ? On le voit, ce texte, obscur dans son intention oĂč Pascal veut-il en venir ?, fourmille Ă©galement de difficultĂ©s de dĂ©tail, dont nous n’avons pas fait, sans doute, l’inventaire complet. Pour essayer d’introduire quelque clartĂ© dans cet ensemble, on peut envisager de revenir dans un premier temps sur l’opposition de la qualitĂ© et de la substance, qui y joue visiblement un rĂŽle dĂ©terminant ; et plus prĂ©cisĂ©ment de revenir sur la nature de la qualitĂ©, puisque c’est lĂ  que nous trouvons ici des exemples, des formules qui demandent explication empruntĂ©es, pĂ©rissables, etc.. On reviendra ensuite sur la question de l’amour ou de l’attachement, aussi bien pour explorer le sens de la thĂšse de Pascal On n’aime jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s » que pour envisager ce que pourrait signifier un amour qui s’attache Ă  la substance du corps, de l’ñme, idĂ©e dont il semble que le texte invite Ă  nous dĂ©faire. II – Travail sur l’idĂ©e de qualitĂ© L’opposition substance / qualitĂ© semble au cƓur de ce texte. De la substance, Pascal ne nous dit pas grand chose ; en revanche, concernant les qualitĂ©s, il en donne plusieurs exemples la beautĂ©, la mĂ©moire, le jugement. Ces qualitĂ©s sont dites pĂ©rissables » ; certaines sont dites plus loin empruntĂ©es ». La formule qualitĂ©s empruntĂ©es » se substitue d’ailleurs purement et simplement au terme qualitĂ©s », comme si toute qualitĂ© Ă©tait pour finir empruntĂ©e ». Qu’est-ce Ă  dire ? Toute qualitĂ© est-elle empruntĂ©e ? et pĂ©rissable ? Qu’est-ce exactement qu’une qualitĂ© ? RĂ©pondre Ă  ces questions devrait nous aider Ă  mieux comprendre ce qui se joue dans ce texte. La beautĂ© semble l’exemple le plus clair. La beautĂ© est pĂ©rissable la petite vĂ©role peut me la faire perdre. En quoi est-elle empruntĂ©e » ? Dans ce terme, il y a l’idĂ©e de quelque chose que je devrai peut-ĂȘtre rendre cela renverrait donc Ă©galement Ă  l’idĂ©e de pĂ©rissable ». Mais surtout, il y a l’idĂ©e que je la tiens d’autrui. Or cela est clair je ne suis beau que pour qui me trouve tel. C’est le regard d’autrui qui me donne » ma beautĂ©. Si j’y rĂ©flĂ©chis, la beautĂ© est dont pĂ©rissable Ă  la fois objectivement » la petite vĂ©role, l’ñge, mais aussi et surtout subjectivement », car il suffit que le regard de l’autre change pour que je la perde. Elle ne m’est donc pas du tout attachĂ©e, pas mĂȘme temporairement elle m’est prĂȘtĂ©e par le regard de l’autre, et je peux la perdre sans que rien change en moi » - pas mĂȘme sur mon visage. VoilĂ  donc une qualitĂ© qui n’existe que dans la mesure oĂč l’autre, Ă  tout moment, me la prĂȘte ». Mais ce qui est vrai de la beautĂ© l’est-il de la mĂ©moire ou du jugement ? Il semble que ces deux qualitĂ©s » soient plus objectives » j’ai de la mĂ©moire, ou du jugement, mais on peut l’apprĂ©cier ou non. On peut voir que Pascal dit bien si l’on m’aime pour ma mĂ©moire ou pour mon jugement
 » on pourrait donc dire que la qualitĂ© », ici, n’est pas en soi le fait d’avoir du jugement », mais d’avoir un jugement digne d’intĂ©rĂȘt. Que mon intelligence soit prĂ©cieuse, qu’elle vaille quelque chose », c’est encore le regard de l’autre qui me le dit. Et il est vrai qu’on pourrait aller jusqu’à dire que quelqu’un n’est intelligent » qu’en tant qu’il est reconnu tel. Tout dĂ©pend de ce qu’on attend de l’intelligence les tests d’intelligence mesurent la capacitĂ© d’un individu Ă  rĂ©pondre Ă  un certain type d’attente – faut-il conclure, quand on y rĂ©ussit mal, qu’il n’y a pas d’intelligence en nous ? Il en est sans doute de mĂȘme de la mĂ©moire, celui qui a l’esprit encombrĂ© de choses que d’autres trouvent de peu d’intĂ©rĂȘt ne sera pas vu comme douĂ© d’une mĂ©moire exceptionnelle ; celui qui se souviendra de choses qui en valent la peine » sera dit douĂ© d’une excellente mĂ©moire. Ici encore tout n’est-il pas fonction du regard, de l’attente anticipĂ©e que les autres ont envers nous, et que nous intĂ©riorisons sous la forme d’exigence envers nous-mĂȘmes, voire sous la forme d’un regard sur nous-mĂȘmes, qui nous dĂ©finit » Ă  nos propres yeux ? Mais on comprend alors deux choses. D’abord, pĂ©rissable » et empruntĂ©e » vont bien ensemble, mais le terme essentiel est empruntĂ©e ». PĂ©rissable » a peut-ĂȘtre un sens plus logique que concret. Dans la mesure oĂč c’est le regard de l’autre qui me donne une qualitĂ©, cette qualitĂ© est pĂ©rissable », ce qui ne veut pas dire que je vais la perdre, mais que je pourrais la perdre sans rien perdre de moi. Perdre une qualitĂ©, c’est subir un changement de regard, rien d’autre. On voit que la question n’est pas celle de la prĂ©caritĂ©, ni de la fuite du temps, mais fondamentalement une opposition entre l’essentiel ce qui tiendrait Ă  mon essence, Ă  ce que je suis » indĂ©pendamment des regards qui s’exercent sur moi et le relatif au regard de l’autre, donc l’inessentiel. Mes qualitĂ©s expriment un rapport avec autrui, un regard d’autrui sur moi, elles n’expriment pas ce que je suis, alors mĂȘme que j’ai tendance Ă  me dĂ©finir par elles, Ă  dĂ©finir mon moi » par elles. Elles sont comme des Ă©tiquettes dĂ©tachables de moi, qui peuvent coller aussi longtemps qu’elles veulent elles resteront dĂ©tachables », c’est-Ă -dire pĂ©rissables. Pascal ne gĂ©mit pas ici sur la fuite du temps, mais il explore jusqu’au bout une distinction abstraite dont il pense les difficultĂ©s car encore une fois qu’est-ce que le moi, par opposition Ă  ces qualitĂ©s ? La deuxiĂšme chose que l’on comprend, c’est l’importance, peut-ĂȘtre, du premier exemple celui de l’homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants. On n’est un passant » que pour quelqu’un devant qui on passe ; on ne vaut comme passant on n’intĂ©resse que dans la mesure oĂč quelqu’un veut voir des passants. Si cet homme ne souhaitait pas voir passer les gens, il n’y aurait pas de passants pour lui. C’est l’attente de l’autre qui me donne une qualitĂ© et – c’est la mĂȘme chose – une valeur. Et cette qualitĂ©, cette valeur, me sont tout aussi inessentielles que le simple fait d’ĂȘtre un passant. On ne va donc pas, dans ce texte, du plus inessentiel ĂȘtre un passant au plus essentiel les qualitĂ©s morales ce que Pascal veut nous faire comprendre, c’est peut-ĂȘtre que tout ce Ă  quoi j’ai tendance Ă  m’identifier est exactement aussi inessentiel que le fait d’ĂȘtre un passant pour un homme qui s’ennuie. Le premier exemple est la vĂ©ritĂ© des deux suivants, et non leur prĂ©ambule. La conscience de soi n’atteindrait donc que de l’inessentiel ? Cela s’accorde avec la conclusion du texte. Ne riez pas de ceux qui s’attachent Ă  l’inessentiel. On ne peut rien faire d’autre. Ou plutĂŽt on ne fait rien d’autre. Ce que je prends pour mon ĂȘtre ne m’est pas essentiel. Ce que j’aime chez l’autre ne lui est pas essentiel. Autrement dit, jamais je n’atteins le moi », ni en moi ni en autrui. Pourquoi alors distinguer des ĂȘtres superficiels et des ĂȘtres profonds » ? Des dĂ©sirs superficiels et des aspirations profondes » ou essentielles » ? Ces valorisations et ces dĂ©valorisations sont de culture, de convention, elles expriment d’ailleurs des rapports de force rapports de classe ?. Cela est anachronique par rapport Ă  Pascal mais cela revient Ă  dire qu’elles ne sont qu’un jeu de surface, sans rapport avec la substance de l’ñme ». Cela est-il pessimiste ? Cela sonne pessimiste. Lorsqu’on dit on n’aime jamais personne », cela sonne comme une dĂ©sillusion. Mais en mĂȘme temps, si le moi est inaccessible, en fonction de quoi serions-nous déçus ? Si mĂȘme l’idĂ©e d’une substance de l’ñme » paraĂźt tellement problĂ©matique qu’on peut se demander si elle a un sens OĂč est donc ce moi
 ? », Pascal ne nous invite-t-il pas Ă  rĂ©habiliter la surface ? En un sens peut-ĂȘtre ; mais pourtant le ton du passage n’est pas joyeux. Alors qu’en est-il du moi ? MalgrĂ© les difficultĂ©s pour l’atteindre, la notion de substance de l’ñme ne garde-t-elle pas toute sa lĂ©gitimitĂ©, et l’idĂ©e que l’homme se voue presque nĂ©cessairement au superficiel ne continue-t-elle pas de recouvrir une exigence de l’essentiel, qu’il nous faudrait simplement mieux comprendre ?
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LĂȘtre humain Ă©volue, change, se transforme : on peut parler de mĂ©tamorphoses du moi. La question de la subjectivitĂ© humaine a Ă©voluĂ© au cours du temps. La littĂ©rature est l'un des mĂ©dias les plus Ă  mĂȘme de questionner le « moi » et ses transformations. Au XX e siĂšcle, avec la dĂ©couverte de l'inconscient, un vĂ©ritable Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants, si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non, car il ne pense pas Ă  moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme? Et comment aimer le corps ou l’ñme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont pĂ©rissables ? Car aimerait-on la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. » — Blaise PASCAL, PensĂ©es, 1670 Quest-ce donc qui dĂ©finit le Moi dans sa singularitĂ© selon Pascal ? Pourquoi le moi est-il "haĂŻssable" selon l'auteur ? 12. Pourquoi le raisonnement de l’auteur est-il aporĂ©tique ici ? 13. Quel problĂšme pose pour Pascal le Moi cartĂ©sien entendu comme res cogitans ? Qu’est-ce qui oppose alors Montaigne Ă  Pascal ? 14. Quel est l’opposĂ© selon Pascal des « qualitĂ©s empruntĂ©es
JĂ©sus prend son dernier repas avec les douze ApĂŽtres dans la salle dite du CĂ©nacle ». Saint Paul et les Ă©vangĂ©listes Marc, Luc et Matthieu rapportent les rĂ©cits de la CĂšne au cours de laquelle, en prenant le pain et le vin, le Christ rend grĂące et offre son Corps et son Sang pour le salut des hommes. Au cours de ce repas, JĂ©sus va se mettre Ă  genoux devant chacun de ses disciples et leur laver les pieds. Il prend la tenue de serviteur et dit C’est un exemple que je vous ai donnĂ© afin que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous. » Au cours de la messe cĂ©lĂ©brĂ©e avec solennitĂ©, on rĂ©pĂšte le geste du lavement des pieds. Demeurez ici et veillez avec moi. AprĂšs ce repas de la CĂšne, l’heure de l’épreuve approchant, le Christ se rend au jardin des Oliviers avec les apĂŽtres pour veiller et prier. Le Jeudi Saint, l’Église cĂ©lĂšbre la messe en mĂ©moire de la CĂšne du Seigneur », puis le Saint Sacrement est dĂ©posĂ© au reposoir », l’autel est dĂ©pouillĂ©, la croix est enlevĂ©e et voilĂ©e. Tout ce dĂ©pouillement le Christ est entrĂ© dans sa passion, dĂ©pouillĂ© de tout. C’est une nuit d’adoration, les fidĂšles s’unissent Ă  la priĂšre du Christ ce soir-lĂ , en veillant auprĂšs du Saint-Sacrement le pain et le vin consacrĂ©s au cours de la messe jusque tard dans la nuit. POUR MIEUX COMPRENDRE À l’AssemblĂ©e PlĂ©niĂšre des Ă©vĂȘques Ă  Lourdes novembre 2021, les Ă©vĂȘques ont choisi d’écouter la parole de personnes en situation de prĂ©caritĂ© en France, en rĂ©ponse Ă  l’Évangile et aux appels du pape François. Le PĂšre Guillaume, du diocĂšse de Toulouse nous parle du Jeudi saint. Il Ă©voque notamment la CĂšne et le lavement des pieds. L’abbĂ© Robert Gendreau du diocĂšse de MontrĂ©al nous explique le Jeudi Saint. Au temps de JĂ©sus, lorsqu’on Ă©tait invitĂ©, le serviteur de l’hĂŽte lavait les pieds de l’invitĂ©. Les personnages des vitraux de la cathĂ©drale de Strasbourg prennent vie. Une nouvelle façon d’entendre la Parole de Dieu.
Pascaldans ce texte commence par Ă©tudier les qualitĂ©s physiques du « moi ». Pour cela il commence avec l'exemple d'un « passant ». Etre passant est une qualitĂ© physique accidentelle. On peut ĂȘtre un passant pendant un moment puis ne plus l'ĂȘtre l'instant suivant. On ne peut pas ĂȘtre tout le temps un passant, ce n'est pas une qualitĂ© naturelle. Je ne suis passant que pour celui Justice, force. » Telle est la façon qu’a Pascal d’introduire la thĂšse qu’il dĂ©veloppe quant Ă  la relation entre ces deux concepts. Il va s’efforcer tout au long de son texte d’articuler les deux notions sans mĂȘme user de connecteur logique pour ce qui semble ĂȘtre le titre de ce texte. Une simple virgule sĂ©pare ces concepts, preuve en est de la difficultĂ© Ă  apprĂ©hender les liens existants entre d’une part la justice, et de l’autre la force. La thĂšse principale qu’il expose, et qui fait l’objet du commentaire Ă  suivre, veut que seule, l’idĂ©al de justice est impuissant ; et seul, l’usage de la force est illĂ©gitime. Deux solutions apparaissent alors possibles. La premiĂšre considĂšre que la force se met soit au service du juste, ou alors elle doit incarner ce qui est juste. La seconde voudrait que la justice Ă©tant faible et souvent remise en question, la force indiscutable s’impose et se lĂ©gitime par la force. Pascal a une basse estime de l’humanitĂ© qui, selon lui, verrait son idĂ©al de justice succomber devant la force. En d’autres termes, Ă  ce que l’on peut comparer Ă  un dilemme du prisonnier, l’homme ne choisira pas la solution Pareto-optimale coopĂ©ration entre justice et force pour une meilleure sociĂ©tĂ©, mais son inclination naturelle le mĂšnera Ă  un Ă©quilibre de Nash sous-optimal par dĂ©finition une force tyrannique rendue lĂ©gitime par sa pratique. À la lecture de ce texte, on peut se demander de quelle maniĂšre justice et force peuvent s’articuler sans que la seconde prenne le dessus sur la premiĂšre dans un processus autodestructeur. L’étude de ce texte s’effectuant dans le cadre de la justice globale, le deuxiĂšme dĂ©fi de ce commentaire sera d’apprĂ©hender en toute modestie la portĂ©e des Ă©crits de Pascal quant aux questions de justice globale. Ainsi, si justice et force sont deux concepts a priori contradictoires, ils n’en sont pas moins complĂ©mentaires ; d’autre part, bien que leur alliance Ă©tant souhaitable, celle-ci est pourtant impossible et la force s’affranchira alors bientĂŽt de la justice et, Ă  terme, la remplacera ; enfin, nous Ă©tudierons la possibilitĂ© de tester l’argumentaire de Pascal en focalisant notre attention non plus sur la justice, mais sur la justice globale. Cette rĂ©flexion en trois temps s’achĂšvera donc par l’étude de la justesse et de la contemporanĂ©itĂ© de ce texte dans le contexte contemporain du dĂ©veloppement, bien que ces questions seront adressĂ©es tout au long du commentaire. I. La justice et la force semblent s'opposer en thĂ©orie, mais restent indissociables en pratique De prime abord, la justice et la force que tout semble opposer en thĂ©orie, reste selon Pascal, indissociables en pratique. Il semble ici nĂ©cessaire de rappeler ce que l’on entend par justice et par force, afin de ne pas se mĂ©prendre, car les deux dĂ©finitions sont larges. Par justice, il faut comprendre Ă  la fois la norme du droit et ce qui est en conformitĂ© avec cette norme acception juridique, mais aussi l’adĂ©quation entre le mĂ©rite et sa rĂ©tribution acception morale. Ces deux versants du mĂȘme concept sont insĂ©parables, bien que l’idĂ©e d’une justice sociale Ă  l’échelle Ă©tatique comme Ă  l’échelle globale relĂšve plus du second aspect. Il ne faut donc pas entendre par justice, l’institution qui applique les choix de sociĂ©tĂ©s en cette matiĂšre, le pouvoir judiciaire Ă©tant par dĂ©finition un pouvoir de coercition, qui met en pratique les lois. Par force, Pascal est moins prĂ©cis et laisse planer une certaine ambigĂŒitĂ©. En effet, dans son texte elle est tour Ă  tour une force d’oppression, une force tyrannique » qu’il faut dĂ©noncer, puis une force de coercition, vertueuse, qui agit au service de la justice, et incarnĂ©e par l’institution judiciaire par exemple. Une fois cette mise au point indispensable rĂ©alisĂ©e, il nous est possible d’apprĂ©hender l’antonymie thĂ©orique entre justice et force. Justice et force sont donc contradictoires. Selon Pascal, il est juste que ce qui est juste soit suivi » alors qu’ il est nĂ©cessaire que ce qui est le plus fort soit suivi ». La justice relĂšverait donc de l’obligation, et la force de la contrainte. L’obligation morale comprend la possibilitĂ© de s’y soustraire. Ainsi la justice ne pouvant s’imposer d’elle-mĂȘme, car l’homme Ă©tant par nature intĂ©ressĂ©, quel intĂ©rĂȘt a-t-il de se soumettre au juste quant il peut s’en abstenir ? La justice comme toute obligation est impuissante ». La contrainte ne laisse aucun choix Ă  celui qui se la voit imposer. Par ce travers, on peut y voir le caractĂšre oppresseur et despotique de la force. En pratique pourtant, ces concepts sont complĂ©mentaires. L’idĂ©al de justice est vain s’il ne peut se reposer sur la force pour s’appliquer. La force a besoin de la justice pour ĂȘtre lĂ©gitime. Il existe donc une interdĂ©pendance entre justice et force. Afin de pallier Ă  leurs carences respectives, leur alliance devient indispensable. Elle peut se rĂ©aliser de deux façons selon Pascal en confĂ©rant la force Ă  la justice, ou en rendant la force juste. La justice seule est vite remise en question du fait de son statut d’obligation morale. La force seule sera contestĂ©e pour son arbitraire. Ainsi, quelle que soit la solution retenue, la force confĂšre Ă  la justice un moyen de contraindre, et la justice confĂšre Ă  la force une morale que l’on se doit par dĂ©finition de respecter. II. Comment la force s'affranchie de la justice NĂ©anmoins, s’il est dans le meilleur intĂ©rĂȘt d’associer justice et force, Pascal, pessimiste quant Ă  la nature humaine, affirme que la force s’est affranchie de la justice. La justice Ă©tant un concept Ă  gĂ©omĂ©trie variable selon les individus et reste de l’ordre de la morale, tandis que la force est indiscutable, la seconde va donc prendre le pas sur la premiĂšre. Ainsi, la justice serait sujette Ă  dispute », et ce pour deux raisons. Ce qui est juste pour un individu ne l’est pas forcĂ©ment pour un autre. Comme toute norme, la justice est discutable, et dans un contexte global, ce qui apparaĂźt pour juste pour un Etat sera peut-ĂȘtre contestĂ© par un autre. Les dĂ©mocraties occidentales trouvaient injuste l’apartheid sud-africain. Pascal affirmait par ailleurs vĂ©ritĂ© au-deçà des PyrĂ©nĂ©es, erreur au-delĂ  » que l’on peut comprendre Ă  ce sujet comme dĂ©nonçant le relativisme que revĂȘt la justice. L’universalitĂ© des Droits de l’Homme, ou encore l’intemporalitĂ© du second amendement de la constitution amĂ©ricaine sont souvent remises en question. Aussi, la justice est sujette Ă  dispute par quiconque s’en affranchit, et donc par le fait qu’il s’en affranchisse. Il est en effet possible rappelons-le de se conformer ou non Ă  la morale du juste. Ainsi, l’homme peut agir par immoralitĂ©. Rien ne l’y contraint, vu qu’il n’y est qu’obligĂ©. Si l’homme Ă©tait en tout temps et en tous lieux moral, l’établissement d’une norme serait inutile. La raison d’exister de toute norme est cette capacitĂ© qu’a l’homme de dĂ©viance vis-Ă -vis de la norme. On peut donc la discuter aussi en agissant immoralement, soit parce que l’on pense que la norme n’est pas morale, soit parce que l’homme peut aussi ĂȘtre intrinsĂšquement immoral. La force, quant Ă  elle, est incontestable, sans dispute », et reconnaissable » de tous. Tout le monde s’y soumet. Contrairement Ă  la justice, la force reçoit un consensus unanime quant Ă  ses attributs. En d’autres termes, le fort est par tous perçu comme tel. Cela n’est donc pas tant que tout le monde consent volontairement au pouvoir du fort, mais plus tĂŽt que tout le monde finit par plier devant le fort. Qu’advient-il donc quand le juste est disputĂ© » par le fort ? Si tout semble cĂ©der devant le fort, la justice ne rĂ©siste pas Ă  ce raisonnement. Dans une fable de La Fontaine, on dirait que la raison du plus fort est toujours la meilleure », mĂȘme s’il ne faut pas chercher dans le terme meilleure » une dimension morale, mais plutĂŽt l’attribut du vainqueur d’un combat. Tout comme le loup finit par manger l’agneau, la force prend l’avantage sur l’idĂ©al de justice. Indissociables, car complĂ©mentaires, la justice et la force sont nĂ©anmoins incompatibles. Ces deux notions ne peuvent ĂȘtre associĂ©es, car la force peut tirer avantage de la faille de la justice – la faiblesse – mais la justice ne peut prendre un avantage de la faille de la force – sa non-lĂ©gitimitĂ© –, et c’est la raison pour laquelle selon lui on n’a pu donner la force au juste ». Pascal utilise ici un postulat hobbesien avant l’heure. Il ne voit pas l’homme moral ou vertueux, mais violent. C’est ainsi que la force outrepasse la justice ; mais comment fait la force pour ne pas Ă  son tour se voir contredite ? La tyrannie finit toujours par ĂȘtre renversĂ©e par les oppressĂ©s, qui un jour deviennent donc plus forts que la force despotique. Pour Ă©viter cela, le fort se lĂ©gitime en contredisant le juste. Comme le dit si justement Bourdieu, on sait que tout exercice de la force s'accompagne d'un discours visant Ă  lĂ©gitimer la force de celui qui l'exerce ». C’est donc une solution sous-optimale que la nature de l’homme l’a conduit Ă  choisir. L’expression ne pouvant faire que » utilisĂ©e par Pascal renforce cette idĂ©e. Ce texte dont la portĂ©e est gĂ©nĂ©rique peut ĂȘtre aussi analysĂ© sous le spectre de la justice sociale globale, et son examen nous conduit Ă  considĂ©rer sa contemporanĂ©itĂ© sur les questions du dĂ©veloppement. III. La justice sociale globale obligation ou contrainte ? On peut ainsi, suite Ă  la lecture de ce texte Ă  la lumiĂšre des enjeux contemporains de dĂ©veloppement, se demander si la justice sociale globale, Ă  l’image de la conception de la justice de Pascal, relĂšve de l’obligation, ou de la contrainte. Puis, il apparaĂźt important d’examiner si le schĂ©ma selon lequel la force l’emporte sur la justice s’applique pour la justice globale. Bien que la thĂ©orie de la justice de Rawls place la justice sociale comme une contrainte issue de ladite rationalitĂ© des individus placĂ©s sous le voile d’ignorance, l’extension au niveau globale, ou plutĂŽt interĂ©tatique, de cette notion en l’espĂšce est impossible. Il faut donc repenser la justice globale comme une obligation morale, Ă  l’image de l’étude pascalienne de la justice. Rawls avec sagesse repousse l’idĂ©e d’appliquer ses principes de justice Ă  l’échelle mondiale, car trop spĂ©cifique. Dans le Droit des gens, il circonscrit le principe de diffĂ©rence au pĂ©rimĂštre des Etats Nations. En effet, il comporte une dimension contraignante puisqu’il ne rend pas seulement immoral le sacrifice des plus dĂ©munis Ă  la faveur des mieux lotis, mais l’interdit simplement. La clause anti-sacrificielle rend non-transposable au niveau global le second principe de justice rawlsien, et donc sa thĂ©orie. La justice globale relĂšverait donc plus de l’obligation morale, voire du devoir imparfait kantien. En effet, le transfert de ressources, l’aide au dĂ©veloppement, s’inscrit dans une logique de publicitĂ© de l’acte, et du mĂ©rite qu’un Etat en tire Ă  en aider un autre. On ne peut pas punir un Etat qui ne contribue pas Ă  la solidaritĂ© globale. Tout au pire, c’est son image qui est touchĂ©e. On ne peut pas interdire le sacrifice des plus dĂ©savantagĂ©s, mais au mieux rendre le respect de cette clause vertueuse. Se pose ensuite la question de l’application de cet idĂ©al vertueux que nous appelons de nos vƓux. Comment faire de cette norme un droit positif ? Comment contraindre Ă  donner quand le don est par nature volontaire, donc auquel on peut se soustraire ? Rendre contraignante une obligation morale, n’est-ce pas lĂ  priver de morale ? Il est cependant certain que la justice globale telle que pratiquĂ©e actuellement relĂšve bien de l’obligation morale, car de nombreux Etats cherchent Ă  s’en soustraire en omettant volontairement de prendre en considĂ©ration certains problĂšmes dans les pays en dĂ©veloppement. L’apartheid sud-africain, systĂšme pourtant injuste s’il en est, a Ă©tĂ© soutenu par des dĂ©mocraties libĂ©rales pendant des dĂ©cennies, Ă  l’image d’IsraĂ«l. D’autre part, tout comme la justice globale est une obligation Ă  l’image de la justice selon Pascal ; le schĂ©ma pascalien qui lie justice et force s’applique Ă©galement Ă  la relation justice globale et force. Le loup a aussi mangĂ© l’agneau globale ». Le loup Ă©tant ici la loi du marchĂ©. Cette lex mercatoria ne rĂ©git non pas seulement les interactions entre les agents Ă©conomiques Ă  l’échelle globale, mais aussi les relations internationales. L’avĂšnement des sciences Ă©conomiques et la subordination des autres sciences sociales Ă  celle-ci qui s’en est suivi n’y sont pas Ă©trangers. Cette primautĂ© de la loi de marchĂ© consacre la primautĂ© du plus riche, du plus fort. La loi du marchĂ© recrĂ©e un Ă©tat de nature hobbesien, caractĂ©ristique de l’argumentaire de Pascal. À cela s’ajoute Ă©galement le dĂ©ficit dĂ©mocratique des institutions internationales, qui sont plus le lieu d’expression de la puissance des Etats les plus riches reproduction d’un systĂšme westphalien. Il paraĂźt difficile de dĂ©montrer en quoi l’Organisation Mondiale du Commerce est un lieu d’expression de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale globale. La question des OGM qui tuerait l’agriculture vivriĂšre comme non traitĂ©e lors du dernier cycle de nĂ©gociation illustre aisĂ©ment ce point. Ainsi, le fort global, soit les pays riches, a pris avantage sur l’obligation de justice globale. L’examen de ces questions au travers du prisme du texte de Pascal, nous montre que ce dernier dĂ©note une certaine modernitĂ©. Conclusion Pour conclure, ce texte, plus qu’un simple exposĂ© de la dialectique entre justice et force, nous renseigne sur la nature de l’homme, la faiblesse de la justice impossible Ă  fortifier, et l’illĂ©gitimitĂ© de la force qui s’impose toujours et se substitue Ă  la justice. La contemporanĂ©itĂ© de ce texte, pĂ©riode oĂč la question de la justice se pose dans les termes du dĂ©veloppement, est Ă©tonnante. Le schĂ©ma pascalien qui veut que le fort domine le juste Ă  dĂ©faut du contraire est une grille de lecture trĂšs pertinente pour les questions de justice sociale globale. ParLĂ©opold Tobisch. PubliĂ© le mercredi 24 aoĂ»t 2022 Ă  12h11. 2 min. Le thĂ©orbiste et luthiste Pascal Monteilhet est dĂ©cĂ©dĂ© ce mercredi 23 aoĂ»t. Pascal Monteilhet, thĂ©orbiste et luthiste et grande figure de la scĂšne baroque française des annĂ©es 1980 et 1990, nous a quittĂ©s hier soir. Il avait 67 ans.
Pascal entend-il rĂ©pondre ici Ă  sa question initiale ? Ce qu’est le moi, il le dit, ou plutĂŽt il le dĂ©finit le texte assimile le moi » Ă  la personne », et plus prĂ©cisĂ©ment Ă  la substance de l’ñme ». Cette dĂ©finition mĂȘme ne semble pas contestable le terme pourrait aussi dĂ©signer comme d’ailleurs le terme de personne », cette substance de l’ñme et ses qualitĂ©s, comme d’ailleurs l’ensemble Ăąme-corps ; mais Pascal isole ici, en quelque sorte, un objet particulier, auquel le nom de moi s’applique spontanĂ©ment assez bien , dĂ©signant en gros ce qui me dĂ©finit, ce qui m’est le plus essentiel, voire le support de toutes mes qualitĂ©s, par opposition Ă  ce qui se succĂšde en moi, et n’affecte pas mon essence. DĂ©finition recevable, donc, qui revient apparemment simplement Ă  prĂ©ciser ce dont parle ici Pascal. Mais cette dĂ©finition suffitelle ? Visiblement, il demeure difficile de savoir ce qu’est ce moi, s’il ne se confond avec aucune des qualitĂ©s ». Pascal n’en arrive-t-il pas Ă  douter de la pertinence mĂȘme de cette idĂ©e, lorsqu’il pose cette question OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’ñme ? » Le texte vise-t-il donc Ă  nous donner une rĂ©ponse, ou Ă  nous faire comprendre une difficultĂ© ? La premiĂšre partie est donc composĂ©e de trois questions-rĂ©ponses, qui soulĂšvent chacune des interrogations bien distinctes. L’homme qui s’est mis Ă  la fenĂȘtre pour regarder les passants s’est-il mis lĂ  pour me voir ? Évidemment non. La rĂ©ponse est Ă©vidente, mais quel est le lien avec la question initiale ? Il ne viendrait Ă  l’idĂ©e de personne de confondre ce qu’on est avec le fait d’ĂȘtre un passant. Alors pourquoi cet exemple ? Le deuxiĂšme exemple paraĂźt moins Ă©tonnant, mais bien banal je ne suis pas ma beautĂ© ; ma beautĂ© peut passer, je demeure moi » ; sans doute pas le mĂȘme », mais c’est bien moi » qui change, et qui de beau deviens laid par la petite vĂ©role ; tout cela est clair, et semble pour tout dire assez banal. Avions-nous besoin de Pascal pour nous dire que nos qualitĂ©s physiques ne constituent pas ce qui fait le moi » ? Que lorsque je dis j’ai changĂ© », il est bien clair que la formule suppose Ă  la fois une succession de qualitĂ©s la beautĂ©, puis la laideur et l’identitĂ© du sujet, sans quoi on ne parlerait mĂȘme pas de changement ? Les qualitĂ©s physiques se succĂšdent, elles sont pĂ©rissables » ; le moi demeure. Qui s’attache au pĂ©rissable ne s’attache pas au moi. Le troisiĂšme exemple est plus paradoxal, car il nous semble lĂ©gitime d’assimiler le moi » Ă  ce qu’on appelle les qualitĂ©s morales », au moins, prĂ©cisĂ©ment, les moins passagĂšres, les moins pĂ©rissables ». Pourtant ici encore Pascal vient dire si l’on m’aime pour ma mĂ©moire et mon jugement, m’aime-t-on, moi ? Non, car je peux perdre ces qualitĂ©s sans me perdre ». L’idĂ©e dĂ©range, car nous avons tendance Ă  identifier le moi aux qualitĂ©s morales, au moins les plus permanentes ; et il semble bien que la mĂ©moire » et le jugement » sans doute faut-il entendre ici l’intelligence ne soient que deux exemples de ces facultĂ©s qui semblent dĂ©finir mon individualitĂ©, me caractĂ©riser, bref ĂȘtre de celles auxquelles je ferais appel pour dire ce que je suis ; l’argument dĂ©range, car nous savons bien que c’est une question, parfois douloureuse, de savoir si un ĂȘtre qui a perdu mĂ©moire et jugement comme cela semble ĂȘtre le cas dans la maladie d’Alzheimer, est encore la mĂȘme personne ». Si j’y rĂ©flĂ©chis, je constate qu’en un sens j’ai tendance Ă  penser le moi comme le sujet des qualitĂ©s et c’est ainsi que semble le penser Pascal avec un maximum de cohĂ©rence ; en un autre sens j’ai tendance Ă  l’identifier Ă  certaines de ces qualitĂ©s, que je dĂ©signerai comme essentielles ». Ne faut-il pas choisir ? Pour le moins, Pascal nous invite ici Ă  un nettoyage de nos pensĂ©es. La deuxiĂšme partie semble se rĂ©sumer Ă  deux conclusions pessimistes le moi est peut-ĂȘtre inconcevable ; le moi n’est jamais l’objet de l’amour. C’est cette derniĂšre conclusion qui est la plus dĂ©veloppĂ©e. Concernant la premiĂšre, on pourrait la comprendre ainsi si je me tiens Ă  cette dĂ©finition du moi comme sujet des qualitĂ©s, et surtout des qualitĂ©s morales, je ne peux rien en dire ; on en viendrait presque Ă  se demander si cette idĂ©e conserve un sens OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni Commentaire [E3] Retour sur la question initiale. Rappel, questionnements. Commentaire [E4] Ici il est clair que j’ai commentĂ© » un peu. Mais c’est pour Ă©carter une approche polĂ©mique » qui n’a pas lieu d’ĂȘtre. Dire qu’on peut entendre par moi » autre chose que ce qu’entend ici Pascal, ce n’est pas encore Ă©noncer un point de dĂ©saccord avec l’auteur. Il faut se situer sur le terrain du texte, c’est-Ă -dire accepter de ne pas parler que de ce dont il est question ici. Commentaire [E5] Retour sur la premiĂšre partie pour chaque sous-partie, rappel, questionnement. Commentaire [E6] Ici, Ă©videmment, je situe ma question au-delĂ  de quelque chose que je considĂšre comme clair mais que je rappelle au correcteur, ce qui nĂ©cessite un peu d’analyse Ă  l’intĂ©rieur de ce travail de prĂ©sentation. Commentaire [E7] Justification d’un questionnement par une habitude de penser que le texte vient perturber. On pourrait faire la mĂȘme chose pour l’amour dire que c’est quand mĂȘme un peu raide, que Pascal nous dise qu’on n’aime jamais personne. Commentaire [E8] Toutes les questions qui surgissent s’appuient ici sur ce que j’aurais tendance Ă  penser si je n’avais pas rĂ©flĂ©chi sur le texte. La conclusion que j’en tire, c’est que le texte me rĂ©vĂšle peut-ĂȘtre que mes propres notions ne sont pas claires. Cela annonce un travail de l’ñme ? ». Et pourtant, comment penser des qualitĂ©s sans penser quelque chose dont elles sont les qualitĂ©s ? Peut-on renoncer Ă  l’idĂ©e d’une substance de l’ñme ? La deuxiĂšme conclusion est Ă  la fois pessimiste, riche et paradoxale. On ne peut aimer le moi ; cela est clair, au regard de ce qui prĂ©cĂšde, puisqu’il semble inatteignable, indĂ©finissable, voire impensable. Mais Pascal nous fait remarquer une consĂ©quence plus surprenante on ne peut pas plus dire qu’on aime le corps que l’ñme. On est donc bien loin de l’idĂ©e que l’amour des corps n’est pas l’amour vrai, celui qui viserait l’ñme, etc. Pascal remarque qu’on n’aime jamais un corps, mais les qualitĂ©s qu’il se trouve avoir sinon j’aimerais ce corps quelques qualitĂ©s qui y fussent ». Un tel amour du corps est-il possible ? Un amour qui viserait la substance du corps, comme l’amour de la personne » prĂ©tend viser la substance de l’ñme ? Pascal dit que non ; mais on voit en tous cas que l’opposition essentielle, quand on rĂ©flĂ©chit ici sur l’amour, n’est pas l’opposition entre l’amour des corps et l’amour de l’ñme, mais l’opposition entre un amour qui s’attache aux qualitĂ©s et celui qui s’attacherait » Ă  la substance. On n’aime donc que des qualitĂ©s. Mais Pascal ne dit pas seulement que l’amour de la substance de l’ñme est impossible il dit qu’il serait injuste ». Qu’est-ce Ă  dire ? D’autant qu’à y rĂ©flĂ©chir, la double thĂšse impossibilitĂ©, injustice est doublement paradoxale. Pascal est chrĂ©tien. Le christianisme ne commande-t-il pas un amour universel, c’est-Ă -dire d’aimer tous les hommes quelques qualitĂ©s qui y fussent ? » Pascal est-il en train de nous dire que ce commandement d’amour est absurde, Ă  la fois impossible et injuste ? Que ce commandement soit en mĂȘme temps un mystĂšre, un paradoxe, cela est clair ; mais y a-t-il encore une place, dans le texte de Pascal, pour sa pertinence ? On sait que les PensĂ©es de Pascal devaient constituer une Apologie de la religion chrĂ©tienne » on en semble bien loin ici. Alors, comment comprendre ? Au terme de ce parcours, la conclusion » ou la morale du texte ne paraĂźt plus aussi paradoxale. Certes il peut paraĂźtre surprenant que Pascal semble ici excuser ceux qui vouent leur existence Ă  la recherche des honneurs – habituellement dĂ©criĂ©s par les philosophes. Mais si nous ne nous attachons jamais Ă  rien de substantiel », si en ce sens tout est attachement superficiel, de surface, au nom de quoi condamner ? On peut tout de mĂȘme s’étonner d’un tel tout ou rien ». N’y a-t-il pas des qualitĂ©s » qui ont plus de valeur que d’autres ? On le voit, ce texte, obscur dans son intention oĂč Pascal veut-il en venir ?, fourmille Ă©galement de difficultĂ©s de dĂ©tail, dont nous n’avons pas fait, sans doute, l’inventaire complet. Pour essayer d’introduire quelque clartĂ© dans cet ensemble, on peut envisager de revenir dans un premier temps sur l’opposition de la qualitĂ© et de la substance, qui y joue visiblement un rĂŽle dĂ©terminant ; et plus prĂ©cisĂ©ment de revenir sur la nature de la qualitĂ©, puisque c’est lĂ  que nous trouvons ici des exemples, des formules qui demandent explication empruntĂ©es, pĂ©rissables, etc.. On reviendra ensuite sur la question de l’amour ou de l’attachement, aussi bien pour explorer le sens de la thĂšse de Pascal On n’aime jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s » que pour envisager ce que pourrait signifier un amour qui s’attache Ă  la substance du corps, de l’ñme, idĂ©e dont il semble que le texte invite Ă  nous dĂ©faire. Commentaire [E9] Pessimiste
 Commentaire [E10] Riche
 Commentaire [E11] 
 et paradoxale Commentaire [E12] Oui, vous n’ĂȘtes pas obligĂ©s de le savoir. Mais ça pourrait arriver, et on peut s’étonner et donc, ĂȘtre incitĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir de ce qu’un auteur ne dise pas ce qu’on attendrait de lui. De telles remarques ont donc leur place dans une explication de texte. Commentaire [E13] Annonce de la premiĂšre partie d’explication. Commentaire [E14] Annonce de la deuxiĂšme partie. Commentaire [E15] L’annonce du plan est claire. Il n’y a pas ici Ă  proprement parler de retour synthĂ©tique sur les difficultĂ©s du texte, mais l’annonce au dĂ©but de sa structure thĂ©matique suffit Ă  justifier un tel plan d’étude. De toutes façons il faut Ă©viter de recommencer une Ă©tude linĂ©aire.
Sivous souhaitez l’étudier pour amĂ©liorer votre psalmodie du Coran, vous pourrez constater que la science du Tajwid est vaste. En effet, selon les rĂšgles du Tajwid, il existe actuellement 10 variations de lecture diffĂ©rentes, dont le Warsh, le Le moi est haĂŻssable. Vous, Mitton, le couvrez, vous ne l’îtez point pour cela vous ĂȘtes donc toujours haĂŻssable » 494-597. Pascal s’adresse Ă  Damien Mitton, son ami libertin, thĂ©oricien de l’honnĂȘtetĂ©. Celle-ci, selon Pascal, dissimule le moi, l’amour-propre, mais ne l’anĂ©antit pas. Pascal brutalise son ami vous ĂȘtes haĂŻssable malgrĂ© votre altruisme. L’honnĂȘte homme est un hypocrite grĂące Ă  sa civilitĂ© humaine, son moi n’est pas le centre de tout », mais seule la piĂ©tĂ© chrĂ©tienne peut subsumer l’amour-propre sous la charitĂ©. Mais le moi ne s’identifie pas toujours Ă  l’amour-propre dans les PensĂ©es Je sens que je puis n’avoir point Ă©tĂ©, car le moi consiste dans ma pensĂ©e. Donc moi qui pense n’aurais point Ă©tĂ©, si ma mĂšre eĂ»t Ă©tĂ© tuĂ©e avant que j’eusse Ă©tĂ© animĂ©. Donc je ne suis pas un ĂȘtre nĂ©cessaire » 167-135. L’utilisation du moi comme forme substantivĂ©e Ă©tait rĂ©cente. On la trouvait chez Descartes, dont ce fragment des PensĂ©es rappelle la deuxiĂšme MĂ©ditation Peut-ĂȘtre se pourrait-il faire, si je cessais de penser, que je cesserais en mĂȘme temps d’ĂȘtre ou d’exister. » Pascal, lui, insiste sur la contingence, l’absence de nĂ©cessitĂ© du moi. Le moi manque de substance, et la philosophie naturelle est incapable de justifier son existence. Un autre fragment paradoxal des PensĂ©es porte justement pour titre Qu’est-ce que le moi ? » Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants, si je passe par lĂ , puis‑je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non, car il ne pense pas Ă  moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime‑t‑il ? Non, car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus » 567-688. On a remarquĂ© que le visage de Jacqueline, la sƓur trĂšs aimĂ©e de Pascal, avait Ă©tĂ© abĂźmĂ© par la petite vĂ©role en 1638, quand elle avait 13 ans. Mais on a surtout pensĂ© Ă  une page des MĂ©ditations de Descartes sur des hommes qui passent dans la rue. Comment savoir, demande Descartes, si la forme qui passe sous un chapeau est un homme ou un automate ? Pascal se sert de la scĂšne autrement. Il ne se demande pas si, pour l’observateur, les passants sont des hommes, mais si l’homme Ă  sa fenĂȘtre m’attend moi. Le moi, ici, n’est plus l’amour-propre, mais ce qui distingue un individu, ce qui en fait une personne. Dans le cadre de la philosophie naturelle, le moi est une rĂ©alitĂ© indubitable, dont nous avons le sentiment immĂ©diat, mais cette rĂ©alitĂ© est incomprĂ©hensible. Chaque homme est une personne, mais cette personne est indĂ©finissable. Ne faisons pas de contresens Pascal ne soutient pas qu’il n’y a pas de moi, mais qu’il est impossible de dĂ©terminer l’essence de chaque moi. Le moi n’est ni une substance ni un accident. L’amour que l’on a pour quelqu’un est insĂ©parable de sa beautĂ©, et, si cette beautĂ© vient Ă  disparaĂźtre, affirme Pascal, l’amour est dĂ©truit. La suite Ă  Ă©couter . 391 331 478 360 313 362 127 263

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