Lamour, une pulsion Quand une personne va bien, quâelle sâouvre aux autres, elle est selon une expression courante, « pleine de vie », et, cette Ă©nergie, elle la transmet en aimant. Ainsi lâamour et la vie sont-ils intimement liĂ©s. Câest dâailleurs pourquoi la psychanalyse considĂšre lâamour en tant que pulsion de vie.
Que peut la psychanalyse dans l'amour? Quels remĂšdes au chagrin d'amour? Avec Sarah Chiche, clinicienne et psychanalyste, auteur de "Une histoire Ă©rotique de la psychanalyse" Payot , 2018 et PacĂŽme Thiellement, essayiste et vidĂ©aste, auteur de "Sycomore Sickamour" Puf, 2018. L'amour sur le divan, avec Sarah Chiche, Ă©crivaine et psychanalyste, auteur d'Une histoire Ă©rotique de la psychanalyse de la nourrice de Freud aux amants d'aujourd'hui Payot, 2018. Ce que je tenais Ă saluer, câest le courage de ces femmes, ces hĂ©roĂŻnes, et ces femmes anonymes aussi, qui ont peut-ĂȘtre un savoir particulier sur la douleur. Sarah Chiche Une histoire de lâamour en psychanalyse et une histoire fĂ©minine, qui revient sur le rapport des femmes au dĂ©sir et sur leur rĂŽle fondateur, les prĂ©sentant Ă la fois comme inspiratrices, crĂ©atrices et thĂ©oriciennes de la discipline. Quand on tombe amoureux de quelquâun, on tombe amoureux du grand théùtre quâil porte en lui et du théùtre dâombres de nos morts, des gens quâon aime⊠Sarah Chiche En une cinquantaine dâhistoires, d'Anna O. Ă Marie Bonaparte, en passant par le prĂ©tendu triangle amoureux Freud-Martha-Minna Bernays et par l'homosexualitĂ© probable de sa fille Anna, lâouvrage retrace notre rapport Ă la psychanalyse et donc au sexe, Ă lâamour et Ă la libertĂ©. En dialogue avec lâĂ©crivain PacĂŽme Thiellement, qui nous parle du mal d'amour dans Sycomore Sickamour PUF, 2018. Cliquez ici pour Ă©couter la premiĂšre partie de l"Ă©mission "PacĂŽme Thiellement, malade d'amour"
autrechose en disant que lâamour, câest le signe quâon change de discours ».2 Lier lâamour comme signe dâun changement de discours, au discours de la psychanalyse, serait-ce nous renvoyer Ă lâĂ©laboration de lâamour de transfert, en jeu dans toute cure ? Soit Ă la chute des idĂ©aux, de lâidĂ©alisation de lâAutre en quoi
Je remercie les collĂšgues initiateurs de ce cycle sur le transfert[1] de me donner lâoccasion de mâexpliquer encore de mon rapport Ă la psychanalyse, rapport quâon peut qualifier de transfert sinon dâamour. Il me faut aussi remercier notre communautĂ© de travail avec une pensĂ©e particuliĂšre pour celles avec qui je suis engagĂ© en cartel, car les Ă©changes dans nos diffĂ©rents dispositifs nourrissent aussi bien la question qui mâoccupe que le transfert de travail. PrĂ©liminaires Il sâagit ici, dans le fil de la question lacanienne, de viser ce point oĂč une psychanalyse serait possible parce quâil y aurait de lâanalyste. Lâenjeu est Ă©galement politique câest celui de la possibilitĂ© dâun lien social vivable, soit de lâamour et du transfert encore possibles. Ceux dâentre nous qui travaillent en institution savent combien on tente dây rĂ©gler contractuellement le transfert, et combien les personnes accueillies sont de plus en plus traitĂ©es comme des matiĂšres premiĂšres, ce qui nâest pas sans faire Ă©cho Ă des heures sombres de lâhistoire[2]. Heureusement â car je ne voudrai pas vous dĂ©sespĂ©rer tout Ă fait â on peut compter sur le symptĂŽme pour que ça ne marche pas toujours. Faire le pari du symptĂŽme, nâest-ce pas dĂ©jĂ une voie pour quâune psychanalyse soit possible ? Introduire la question de lâamour dans le transfert pose celle de leur Ă©quivalence qui est une fausse Ă©vidence. Lâamour ne se rĂ©duit pas au transfert qui, sâil ressort de lâamour, passe par la question du savoir avec le sujet quâon lui suppose. Pensons aussi au transfert dit nĂ©gatif qui, sâil ne se confond pas avec la haine, ne ressort peut-ĂȘtre pas uniquement de lâamour. Comme nĆud inaugural du drame analytique[3] » ne se prĂ©senteâtâil pas comme une nĂ©gativation de lâamour attestant de la prĂ©sence du dĂ©sir ? Passons sur le transfert nĂ©gatif. La question qui mâoccupe ici passe par le transfert dans le sens oĂč il pose le problĂšme du dĂ©sir de lâanalyste, de la position de lâanalyste câest ce qui occupe tout le sĂ©minaire de Lacan en 1960-61. Il sâagit donc ici de Psychanalyse, via la question du transfert. Psychanalyse comme ce qui passe par cet amour auquel nous donnons depuis Freud le nom de transfert la cure donc. Psychanalyse, comme ce que nous aimons, comme nom propre. Psychanalyse comme ce nom qui nous rassemble via le transfert de travail. VoilĂ quelques dĂ©clinaisons de ce quâon peut entendre dans cet Amour de Psychanalyse. JâespĂšre ne pas trop vous perdre dans le trajet que ce titre mâa amenĂ© Ă faire, et dont je tente ici de faire Ă©tat. Amour de transfert Au commencement de la psychanalyse Ă©tait lâamour, rappelle Lacan[4] au sujet de ce que Freud nomme transfert. Il y consacre une grande partie de son sĂ©minaire sur le transfert en commentant le Banquet de Platon â et y revient souvent dans les sĂ©minaires. Son commentaire du Banquet est destinĂ© Ă nous faire saisir le ressort du transfert en nous montrant un Socrate qui se refuse Ă entrer luiâmĂȘme dans le jeu de lâamour » parce quâil sait, et que parce quâil sait â prĂ©cisĂ©ment et uniquement â au sujet de lâamour, il nâaime pas.[5] » Le transfert se distingue de lâamour en mettant en jeu le savoir, qui lui est antinomique. En qualifiant cet amour de transfert Freud en fait autre chose quâune histoire dâamour. Contrairement Ă Breuer qui prend le large face Ă cet amour prĂ©sent dans le rĂ©el[6] » Freud va le servir pour sâen servir[7] ». Lâengagement de lâanalyste Le transfert, sâil est un amour authentique[8] » pour Freud, en est donc une forme particuliĂšre puisquâil sâadresse au savoir[9]. Câest par lĂ que Lacan en fonde la dĂ©finition dans le rapport au sujet supposĂ© savoir[10]. Il faut y entendre dâabord que le transfert implique le couple analysteâanalysant, et par consĂ©quent, quâil concerne lâanalyste. La distinction introduite aprĂšs Freud entre transfert et contreâtransfert ne tient pas pour Lacan. Il ne juge pas insignifiante la littĂ©rature sur le contreâtransfert, oĂč il repĂšre chez quelques auteurs fĂ©minins prĂ©ciseâtÂâil, la question du dĂ©sir de lâanalyste Le terme de contreâtransfert vise en gros la participation de lâanalyste. Mais plus essentiel est lâengagement de lâanalyste, Ă propos duquel vous voyez se produire dans ces textes les vacillations les plus extrĂȘmes, depuis la responsabilitĂ© cent pour cent jusquâĂ la plus complĂšte extraction de lâĂ©pingle du jeu[11]. » Lâanalyste est donc directement concernĂ© pour ne pas dire pris dans cet amour qui sâadresse au savoir quâon lui suppose, via le dĂ©sir de lâanalyste par quoi il est engagĂ© et engage la partie. Quant au savoir quâon lui suppose, câest en somme une aberration puisque câest plutĂŽt Ă la fin de la cure que lâanalyste pourrait en savoir un bout sur celui qui lui a parlĂ©. Quoique lĂ encore, entre ce que le passant et son analyste peuvent dire de la cure qui a eu lieu, il nâest pas exclu quâil y ait quelques diffĂ©rences. Si lâanalyste est directement concernĂ© par le transfert, il va sâagir dans la cure de savoir par quel ressort il sây trouve pris et comment il devra y rĂ©pondre pour la mener Ă son terme. Quâil soit concernĂ© tient dâabord et surtout Ă ce quâil propose et provoque en sâoffrant comme analyste Ă ceux qui se prĂ©sentent comme candidats Ă lâanalyse. Lâanalyste nâest pas sans savoir quâil ouvre lâenclos du transfert[12] pour y faire entrer celui que la plainte a conduit jusquâĂ lui. Cette plainte a vocation Ă se transmuer en demande en parole, qui en se dĂ©tachant des besoins fait advenir le dĂ©sir. Chacun sait que la demande est avant tout demande dâamour, et que câest donc bien ce quâon va demander Ă son analyste ĂȘtre son aimĂ©. Moyennant quoi on se propose comme objet dâamour pour lâanalyste. Tout le jeu de lâanalyse visera Ă permettre le passage Ă lâaimant viser lâĂ©ros plus que le bien. La rĂ©ponse de lâanalyste sera dĂ©terminante, Ă lâinstar de celle de Freud qui contrairement Ă Breuer assume dâĂȘtre, pour reprendre lâexpression de Lacan, maĂźtre du petit Ă©ros[13]. Lâanalyste nâest pas lĂ pour aimer son analysant et câest pourquoi il ne rĂ©pond pas Ă la demande. Il nâest pas lĂ non plus pour le laisser en plan en lui tĂ©moignant la plus grande indiffĂ©rence. Renvoyer Ă lâanalysant lâentiĂšre charge du transfert en retirant son Ă©pingle du jeu serait autant criminel quâabsurde puisque sâil y a transfert, câest surtout du fait de lâoffre analytique. Bien sĂ»r, le transfert nâattend pas lâanalyste pour apparaĂźtre[14] et il dĂ©borde parfois en acting out ce transfert sauvage, lorsquâil se manifeste dans le temps de la cure mĂ©rite lui aussi une rĂ©ponse pour le ramener dans lâenclos[15]. Lâanalyste cause le transfert en sâoffrant comme partenaire Ă lâanalysant. Il nâest pas sans savoir cela, ni sans savoir que le transfert est un qui pro quo pour faire Ă©cho au titre de VĂ©ronique Sidoit soit quâil y a a minima erreur sur la personne. Câest la dĂ©finition du transfert la plus entendue bien quâelle soit insuffisante. On peut tout de mĂȘme en tirer la leçon suivante lâanalyste, sâil est un maĂźtre du petit Ă©ros, ne mĂ©connait pas quâil ne doit pas se confondre avec lâobjet dâamour de lâanalysant. Il serait fou quâil sây croit et sâen satisfasse, et quâil mĂ©connaisse ce quâon attend dâun analyste, câestâĂ âdire une analyse. Une analyse ne consiste pas Ă capturer le petit Ă©ros pour le mettre en cage, mais en le faisant entrer dans lâenclos du transfert pour quâil y fasse quelques tours, elle doit permettre par le moyen de lâamour lâĂ©mergence du dĂ©sir en tant quâil constitue le sujet comme manquant et que câest avec ce manque quâil peut devenir aimant. La rĂ©ponse de lâanalyste se dĂ©cale du plan de lâamour auquel elle ne rĂ©pond pas pour que du dĂ©sir qui Ă©merge de la demande le sujet puisse rencontrer la bĂ©ance dâoĂč il se constitue. Disonsâle encore autrement elle doit permettre Ă lâanalysant une sortie de lâinfatuation, une possibilitĂ© de satisfaction qui passe par lâautre et lâobjet lĂ oĂč le repli du narcissisme est une tentation. CapacitĂ© dâaimer pour Freud, nouvel amour pour Lacan lâamour est Ă lâhorizon aussi bien quâĂ la source et au cĆur de la cure, laquelle par son intermĂ©diaire, mobilise le rapport au savoir et notamment celui de lâinconscient. Fermeture et tromperie Quâon suppose lâanalyste savoir, et quâĂ ce titre on lui adresse sinon un certain amour du moins une certaine attente, implique de sa part quâil suppose, lui, un sujet au savoir qui sâĂ©labore dans le dire de lâanalysant. Peut-ĂȘtre nâest-il pas inutile, lorsquâon Ă©voque le sujet supposĂ© savoir, de relever la rĂ©versibilitĂ© de ce terme car celui qui est supposĂ© savoir au dĂ©part de la cure nâest-il pas avant tout lâanalysant ? Cette remarque ne doit pas nous faire concevoir lâanalyse comme une relation symĂ©trique, en miroir, mais nous permettre dâen questionner le sens. Si la psychanalyse a un sens, ce nâest pas dâinstaurer un rapport dissymĂ©trique infini entre lâanalysant et lâanalyste. Lâanalyse a un sens si elle met en jeu le savoir inconscient, de lâanalysant, quâil sâagit de faire parler. Il nâa souvent pas attendu lâanalyste pour se faire entendre, mais lâenjeu de la cure est de veiller Ă son ouverture ou son Ă©mergence. Car loin dâĂȘtre la passation de pouvoirs, Ă lâinconscient, le transfert est au contraire sa fermeture[16] ». Dans cette mĂȘme leçon de son sĂ©minaire, Lacan indique en quoi lâinterprĂ©tation peut alors prendre sa portĂ©e Ă lâapparition du transfert, comme prĂ©sence de lâanalyste qui fait parler lâinconscient en tant que discours de lâAutre, pour produire son ouverture. Il ne faut donc pas nĂ©gliger la tromperie inhĂ©rente au transfert, laquelle est liĂ©e Ă la dimension de lâamour. Lacan le formule clairement Ă persuader lâautre quâil a ce qui peut nous complĂ©ter, nous nous assurons de pouvoir continuer Ă mĂ©connaĂźtre prĂ©cisĂ©ment ce qui nous manque[17] ». Il ne sâagit pas tant de tromper lâanalyste, que de se tromper, et de continuer Ă ne rien savoir de ce qui cause le dĂ©sir passion de lâignorance donc. Lâanalyste, dans sa rĂ©ponse Ă cet amour particulier, vise Ă permettre Ă lâanalysant de ne pas se maintenir dans la tromperie de lâamour et dây repĂ©rer ce qui le concerne. Pour le dire au risque dâune certaine hĂąte, câest lâobjet a en tant que câest ce qui cause son dĂ©sir. Sachant que cet objet a, si tant est quâil soit saisissable, ne sâattrape pas si facilement. Sachant aussi que son repĂ©rage suppose la traversĂ©e des identifications et du fantasme. Ce sera dâailleurs la tĂąche et la responsabilitĂ© de lâanalyste de conduire la cure en veillant Ă maintenir un Ă©cart entre le grand I et le petit a. Ce qui consiste Ă ne pas confondre le signifiant de lâIdĂ©al du moi Ââ le grand I â qui relĂšve de la logique du signifiant, de lâidentification au trait â qui ressort dâune introjection symbolique â, et lâobjet cause du dĂ©sir â le petit a â manque radical situĂ© au champ de lâAutre. LâIdĂ©al du moi, pourraitâon dire, relĂšve de lâintrojection de lâobjet, de la maniĂšre dont le narcissisme absorbe lâobjet, tandis que lâobjet a fait trou et pousse vers lâobjet et lâautre. La responsabilitĂ© de lâanalyste dans la conduite de la cure a pour but de conduire le sujet Ă prendre la mesure de son propre manque rien au champ de lâAutre ne vient rĂ©pondre â SA â Ă ma demande dâamour â ĂȘtre son a, son aimĂ© â puisque ce que jây cherche nâest rien dâautre que ce qui mây manque â a â et que je crois aimer mais qui nâest que la cause de mon dĂ©sir. Jâentends bien lâĂ©quivoque de cette formule et la souligne pour quâelle ne nous Ă©chappe pas le a est Ă la fois ce qui me manque au champ de lâAutre qui me fait manquant donc dĂ©sirant, et ce qui me produit comme ce qui peut manquer Ă lâAutre. Câest par lĂ que sâintroduit la question du dĂ©sir de lâAutre, et donc de lâangoisse qui doit ĂȘtre au rendezâvous de la cure. Le paradoxe, câest que cette recherche du a au champ de lâAutre qui fait toute lâaventure de la cure[18] nâest possible quâĂ la condition de la dissymĂ©trie, le temps nĂ©cessaire Ă lâanalysant, de sa relation Ă lâanalyste. Celuiâci doit donc supporter, le temps quâil faudra Ă son analysant, le semblant dont il se trouve affublĂ©. Sâil supporte le semblant de savoir, lâanalyste nâest pas sans aucun savoir. Le qui pro quo, lĂ encore, câest que ce savoir en tant quâil va opĂ©rer dans la cure concerne le dĂ©sir de lâanalyste en tant que tel, ce savoir est sĂ»rement ce dont lâanalysant cherche Ă se tromper, dans lâamour quâil porte Ă ce sujet semblant savoir quâest lâanalyste. Savoir sur le manque qui cause le dĂ©sir, ce savoir est assez improbable sinon intenable, et indicible. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce quâelle a, dit le proverbe Ă quoi Paul Valery aurait rĂ©pondu Mieux vaut souvent quâelle le garde ! » La plus belle fille du monde, Ă lâissue de sa cure devrait se sentir plus lĂ©gĂšre de ce quâelle a, puisque câest bien ce quâelle nâa pas qui est Ă mettre en jeu dans lâamour[19]. Seulement, cette jolie fille pourrait aussi bien lĂ , devant lâimminence de ce savoir intenable, refermer le volet comme dit Lacan. Je ne crois pas dĂ©raisonnable de penser comme Freud que la rĂ©sistance Ă la psychanalyse trouve ses plus profonds motifs dans ce que la psychanalyse fait Ă©merger. Je ne crois pas dĂ©raisonnable non plus de penser quâau sein mĂȘme des groupes analytiques se manifeste une rĂ©sistance Ă la psychanalyse Ă lâendroit de ce savoir. L psychanalyse Ce savoir-lĂ , il nâest pas si simple dâen assumer les consĂ©quences une analyse a cet enjeu et parfois cette vertu. Est-ce aussi lâenjeu de la communautĂ© analytique ? Quâelle ne bouche pas le trou dans le savoir que la cure permet dâapercevoir serait la moindre des choses â quâelle ne cĂšde pas Ă la tentation dâune substantification de lâĂȘtre. Ce savoir intenable est un enjeu pour les groupes analytiques. On sait que certains ont renoncĂ© Ă la passe, dâautres nây ont jamais eu recours â ce qui revient au mĂȘme depuis que la passe existe. Ne fautâil pas considĂ©rer que ce renoncement est une rĂ©sistance Ă la psychanalyse ? Jâentends par rĂ©sistance Ă lâanalyse une rĂ©sistance Ă tirer les consĂ©quences de lâĂ©mergence du dĂ©sir de lâanalyste. Une psychanalyse amputĂ©e de sa fin et de lâouverture supplĂ©mentaire de la passe estâelle bien diffĂ©rente de la psychologie ? Il est Ă©vident que nous ne pouvons pas nous mettre tous dâaccord sur La psychanalyse, et quâil faut nous rĂ©soudre Ă lâĂ©vidence elle nâexiste pas â sauf Ă regrouper des pratiques hĂ©tĂ©rogĂšnes et Ă confondre lâanalyste et le psychothĂ©rapeute. Sâil nây a pas La psychanalyse, il relĂšve de la responsabilitĂ© de lâanalyste quâil puisse y en avoir une. Et puisque Le psychanalyste a aussi un statut prĂ©caire, jâai tendance Ă penser que cette responsabilitĂ© incombe aussi Ă lâanalysant. Il serait fou de confier aux seuls analystes la responsabilitĂ© de la psychanalyse, comme le disait notre collĂšgue Sidi AskofarĂ© il y a une vingtaine dâannĂ©es. On peut y entendre la prise en compte de lâexistence de la passe aussi bien quâune responsabilitĂ© qui incombe Ă lâanalysant â mener sa tĂąche y compris malgrĂ© les rĂ©sistances de lâanalyste. Et pourquoi ne pas pousser cette logique jusquâau candidat Ă lâanalyse ? Il serait facile de dire quâil ne sait pas ce quâil demande en disant je veux faire une psychanalyse », et dâengager la partie par lâannulation de son dire, en rĂ©sistant Ă lâanalyse quâil souhaite commencer. Il sâagit pour lâanalyste qui reçoit une demande dâanalyse, de prendre au sĂ©rieux dĂšs le premier Ă©change le rapport du candidat analysant Ă ce nom de Psychanalyse, supposer dâemblĂ©e un amour de Psychanalyse qui pourra ĂȘtre mis au service de la cure[20], voire dĂ©jĂ , un rapport symptomatique Ă Psychanalyse. Barrer le La et Ă©crire L psychanalyse est un premier pas dans ce sens, vers la possibilitĂ© dâune psychanalyse. Psychanalyse, P » majuscule Au commencement de la psychanalyse Ă©tait donc lâamour â de Freud, pourraitÂâon dire. Si le nom de Freud faisait venir Ă lui des candidats Ă lâanalyse, ne faut-il pas considĂ©rer que dĂ©sormais, la donne a changĂ© et que câest le nom Psychanalyse qui prĂ©cĂšde celui de lâanalyste ? Un baptĂȘme profane Quâestâce que le signifiant psychanalyse » dans le discours courant ? Elle est lĂ depuis Freud dans les signifiants disponibles, et permet que certains demandent Ă faire une psychanalyse. » Lâimportant câest quâil y ait alors un analyste pour engager la partie et accueillir le transfert qui lâinaugure, ce que rien ne garantit. Un analyste, estâce celui qui permet dâĂ©lever ce signifiant Ă la hauteur qui convient pour quâune analyse soit possible ? Cette hauteur estâelle celle du nom propre ? Je pose cette question car avec le signifiant on peut toujours discuter de ce que cela veut dire, du fait du malentendu de la parole. Mais dans le registre du nom propre, il nây a rien Ă discuter du fait de son caractĂšre idiotique et intraduisible dâune langue Ă lâautre ce qui lâexclut du malentendu[21]. Il nây a rien Ă redire Ă celui qui dit je veux faire une psychanalyse » ni Ă considĂ©rer quâil ne sait pas ce quâil dit si Psychanalyse est entendu comme nom propre. Il ne le sait pas plus quâun autre dâailleurs, du fait de lâinconscient, et il nây a Ă ce titre aucune raison de mĂ©priser ce quâil dit. Mieux vaut lâentendre, peutâĂȘtre, comme une dĂ©claration dâamour appuyĂ©e Ă la promesse que recĂšle ce nom, Psychanalyse, de dissoudre ce qui fait malaise dans la culture, mais aussi et avant tout dans notre existence[22] ». Mais une dĂ©claration dâamour peutâelle ĂȘtre adressĂ©e Ă Psychanalyse ? PeutâĂȘtre que oui, si Psychanalyse est pour celui qui le prononce un nom de lâAutre. Pierre Bruno propose dans La ruelle du dĂ©sir[23] » de faire de Psychanalyse un nom propre en lâĂ©crivant avec un P » majuscule. Jâai repris dans mon titre cette Ă©criture qui permet de souder ce nom propre au nom propre, donc singulier, de quiconque sâautorise Ă ĂȘtre psychanalyste. Il nây a donc pas un ensemble des psychanalystes, pas plus quâil nây a La psychanalyse, avec une majuscule cette fois sur lâarticle dĂ©fini.[24] ». Psychanalyse nâest pas un surnom, un substitut du nom comme ça pourrait ĂȘtre le cas de psychanalyste. Comme nom propre, il nâassure pas dâexistence Ă La psychanalyse. Il nây a donc pas la vraie psychanalyse contre la fausse, ni la dĂ©voyĂ©e contre la pure. Psychanalyse, comme nom propre, laisse chacun de ceux qui se risquent Ă la position de psychanalyste seuls Ă devoir â et pouvoir â rĂ©pondre de leur rapport Ă cette marque quâils adjoignent Ă leur nom. Car comme nom propre, Psychanalyse ne dit rien de ce que câest, ni ne qualifie rien. Ce baptĂȘme profane » nous force plutĂŽt Ă renouveler lâabord que nous pouvons avoir de la Psychanalyse. Chacun dâentre nous a Ă se tenir pour responsable dâune seule chose, son rapport singulier, voire symptomatique, Ă Psychanalyse[25] » ce que jâentends ainsi aimer ce nom qui ne relĂšve pas du signifiant, lâaimer en raison de lâaffinitĂ©, justement, du nom propre Ă la marque, Ă la dĂ©signation directe du signifiant comme objet[26] ». Comme nom propre, Psychanalyse ne se saisit que dans le rapport symptomatique de chacun Ă ce nom dans la cure et la passe notamment[27], mais aussi dans le discours courant â oĂč comme nom de lâAutre il pourrait bien ouvrir au symptĂŽme la voie du lien social â analytique. Est-ce Ă dire que Psychanalyse est tout et nâimporte quoi ? AssurĂ©ment pas, mais ce baptĂȘme exclut que Psychanalyse soit la marque distinctive dâun groupe analytique contre les autres. Il nous faut mĂȘme alors reconnaĂźtre que la plus psychologisĂ©e des psychanalyses nâest pas sans rapport Ă ce nom propre. Chacun se trouve ainsi condamnĂ© Ă soutenir son rapport symptomatique Ă Psychanalyse » et Ă assumer sans le secours dâaucun groupe ce quâil fait au nom de Psychanalyse. Ce rapport transcendant les groupes et Ă©coles, implique que Psychanalyse ne peut pas faire Ă©cole sur une homogĂ©nĂ©itĂ© doctrinale. Le Pari du transfert â de travail Il est certainement plus judicieux de mettre une majuscule Ă Psychanalyse quâĂ Ă©cole dans la perspective dâun faire Ă©cole » â qui comporte toujours le risque de faire foule si on laisse de cĂŽtĂ© le faire pour ne retenir que lâĂ©cole. Ce baptĂȘme profane met en question le rapport des analystes Ă la communautĂ©, quâil faut entendre comme lâensemble des groupes analytiques. Une question peut retomber sur chacun dâeux quâest-ce qui les organise ? On sait, pour avoir lu Freud, lâimportance quâil accorde Ă lâamour dans son sens Ă©largi et Ă lâidentification dans la structure des foules. Dans son article sur la psychologie des foules[28] » â Freud Ă©tait occupĂ© par la question de formaliser sa sociĂ©tĂ© au moment il lâĂ©crivait â, il nâest pas question du transfert, mais on pourrait lĂ©gitimement lây attendre. De ce texte, je vous propose de retenir trois points. 1 Dâabord, la non-opposition de lâindividuel et du collectif, posĂ© par Freud dans son introduction est une thĂšse que Lacan reprend dans le sĂ©minaire sur le transfert[29] ou encore dans la conclusion du temps logique » le collectif nâest rien que le sujet de lâindividuel[30]. » Lorsque nous essayons de mettre lâanalytique au principe de nos organisations nous prenons au sĂ©rieux cette thĂšse freudienne. Seule lâexpĂ©rience peut nous dire si nous y parvenons. Ne doitâon pas en dĂ©duire que ce que nous enseigne la cure peut nous orienter dans la formation et le fonctionnement de nos associations ? Si câest le cas, quâen est-il du transfert et de son maniement dans nos groupes ? La question peut paraĂźtre saugrenue mais lâappropriation de cette thĂšse par les associations orientĂ©es par les enseignements de Lacan me semble la justifier. 2 Ensuite lâamour dans sa conception Ă©largie comme dit Freud â soit la libido sous la forme des pulsions sexuelles â et lâidentification sont au principe de la constitution des foules. Leur nouage tourne autour de la dialectique de lâĂȘtre et de lâavoir. Freud qualifie de rĂ©gression le passage de lâamour vers lâidentification. Cette qualification peut sâappliquer Ă sa conception de la foule ses membres ont mis un seul et mĂȘme objet Ă la place de leur idĂ©al du moi, chacun renonçant ainsi Ă son propre jugement et ils sâidentifient alors les uns aux autres. Lâidentification horizontale vient complĂ©ter lâidentification verticale â ou lâamour dâun leader â insuffisante Ă la constitution en foule. La foule, avec son caractĂšre rĂ©gressif, nâest probablement pas le lien social que Freud privilĂ©gie, notamment pour la communautĂ© analytique. 3 DâoĂč ce dernier point qui me paraĂźt dâune extrĂȘme importance lâĂ©tat amoureux est le seul, nous dit Freud oĂč lâobjet [attire] sur lui une partie de la libido narcissique du moi[31]. » Il me semble quâil nous invite Ă retenir le choix de lâamour comme voie de sortie de la foule, Ă condition de spĂ©cifier cet amour comme celui quâune cure rend possible â a minima le transfert. La nĂ©vrose est une voie moins sĂ»re pour Freud, puisquâelle partage avec lâhypnose et la formation en foule le caractĂšre de rĂ©gression narcissique impropre Ă fonder un lien social allĂ©gĂ© du penchant narcissique. Il faut sĂ»rement comprendre que Freud compte sur la cure pour tempĂ©rer les nĂ©vroses de chacun, mais il me semble surtout quâil exclut la solution de la foule comme celle de lâhypnose â nul besoin de vous rappeler lâaveu de Freud quant Ă son aversion pour la suggestion dans ce texte â et invite Ă faire le pari de lâamour que permet la cure. Je mâĂ©tonne quâil nâait pas poussĂ© les choses jusquâĂ introduire ici la question du transfert, Ă la maniĂšre de Lacan qui en 1971 lance cet hapax du transfert de travail[32]. » Lacan en dit peu, et nous laisse alors la charge dâĂ©clairer cette histoire. Nous utilisons souvent cette expression, mais nous expliquonsânous vraiment sur elle ? Je vous livre la premiĂšre association que le terme de transfert de travail me suggĂšre. Il nous rappelle tous Ă notre condition dâanalysant, et nous appelle Ă une certaine tĂąche. Plus que de psychanalystes, nos associations gagnent Ă ĂȘtre associations dâanalysants â ou mieux de Psychanalyse â pour Ă©viter le plus possible le travers de la confrĂ©rie ou de la corporation. Lacan y veillait en mettant le non-analyste au cĆur de lâĂ©cole. Bien sĂ»r, nous nâen sommes pas quittes de la tĂąche qui nous incombe pour que notre amour de Psychanalyse ne se rĂ©duise pas Ă une passion. TĂąche sans fin Lorsque nous nous adressons Ă une communautĂ©, ce nâest pas au titre dâanalyste mais plutĂŽt dâanalysant, en nous consacrant en quelque sorte Ă une tĂąche analysante infinie[33]. » Cette tĂąche, hors analyse nâest pas pour autant hors transfert â un transfert de travail. Je cite Lacan Lâenseignement de la psychanalyse ne peut se transmettre dâun sujet Ă lâautre que par les voies dâun transfert de travail. Les sĂ©minaires », y compris notre cours des Hautes Ătudes, ne fonderont rien, sâils ne renvoient Ă ce transfert. Aucun appareil doctrinal, et notamment le nĂŽtre, si propice quâil puisse ĂȘtre Ă la direction du travail, ne peut prĂ©juger des conclusions qui en seront le reste[34]. » Cet autre transfert est ce sur quoi mise Lacan, et il me semble quâil nous invite Ă considĂ©rer que la doctrine est impropre Ă anticiper sur ce quâil permettra de conclure. La formule de Lacan au commencement de la psychanalyse est le transfert » pourraitâelle devenir au fondement du faire Ă©cole est le transfert ? Si câest dans le rapport entre lâĂ©laboration de la doctrine et le transfert de travail que la transmission de la psychanalyse serait possible, fautâil en dĂ©duire que le savoir analytique ne vaut rien sans amour ? Lacan reprend ici la prĂ©occupation dont il fait Ă©tat en 1961 dans son sĂ©minaire sur le transfert, Ă savoir le rapport de chaque membre Ă la communautĂ© analytique et ses incidences sur la doctrine analytique et la pratique de la cure. Si Lacan fait ce pari, ce nâest pas dans le sens de la fermeture de lâinconscient corrĂ©lative Ă lâĂ©mergence du transfert dans la cure. Ce nâest en tout cas pas dans ce sens que je mets lâaccent sur ce pari, mais sur le transfert, son destin et son traitement dans nos groupes. Nous savons que nous ne pouvons Ă©viter les effets de transfert dans nos assemblĂ©es, et que ces effets peuvent rĂ©ouvrir la porte des passions amour, haine[35] et ignorance, puisquâelles sont lĂ dâemblĂ©e chez le parlĂȘtre comme composantes primaires du transfert[36] ». Lacan met dâailleurs lâaccent sur lâignorance corrĂ©lĂ©e Ă lâamour et Ă la haine, comme fondamentale. Certes, on peut attendre dâune analyse quâelle ait des effets sur les passions de lâĂȘtre et notamment lâignorance â passion majeure du parlĂȘtre. Nâoublions pas que câest un Ă©tat du sujet en tant quâil parle[37] » et que câest sur cette modalitĂ© que le sujet se prĂ©sente dans le transfert. Lâignorance, dans le passage Ă lâanalyste change de statut, le savoir de lâanalyste devenant le symptĂŽme de son ignorance[38] » quâil pourra mettre en Ćuvre de maniĂšre formante[39] » pour le sujet dans la cure. Formante, lâignorance lâest aussi pour lâanalyste si on suit Lacan Câest bien lĂ quâest la passion qui doit donner son sens Ă toute la formation analytique, comme il est Ă©vident Ă seulement sâouvrir au fait quâelle structure sa situation[40] ». Le drame du Grand I et la saloperie du a Pour essayer de conclure, je vous propose que nous posions dâabord que nous sommes tous ignorants â puisque câest de lĂ que sâorigine notre travail analysant. Posons ensuite quâil nây a pas de diffĂ©rence entre le transfert et le transfert de travail puisque dans les deux cas il se fonde sur le rapport au sujet supposĂ© savoir. Mais il faut reconnaĂźtre une particularitĂ© de la cure, dans le sens oĂč le sujet choisi ce un seul[41] » Ă qui il peut sâadresser comme sujet supposĂ© savoir. Lâorganisation des psychanalystes, prĂ©cise dâailleurs Lacan, indique qui peut le reprĂ©senter quand elles donnent des titres[42]. On voit donc lâimportance quâil y a Ă faire des associations de psychanalyse plus que de psychanalystes, pour veiller Ă ce que lâanalyste ne relĂšve pas de lâidĂ©al une association en ce sens, nâa pas Ă garantir le psychanalyste, ne serait-ce quâen en publiant une liste. Mais le drame de lâorganisation sociale, communautaire, des psychanalystes » tient aussi pour Lacan Ă la fonction et au prestige de Freud Ă lâhorizon de toute position de lâanalyste[43] ». Le nom de Freud, pĂšre de la psychanalyse, sĂ»rement idĂ©alisĂ© et pas sans raisons, pĂšse sur nous. Si lâanalyste le met en position dâIdĂ©al du moi, sa tĂąche sera marquĂ©e par lâombre quâil sâen fera. Une vertu pourra en ĂȘtre que lâanalyste sâimpose un certain nombre de restrictions et dâexigences morales, ce qui nâest dĂ©jĂ pas rien. Mais sur un autre versant, cet idĂ©al peut ĂȘtre mis au compte du narcissisme la tĂąche analytique comme lâorganisation sociale dâune sociĂ©tĂ© de psychanalyse en seront alors rendues problĂ©matiques. Le poids de lâidĂ©al menace toujours la position de lâanalyste. Car, Lacan ne cesse de le montrer, ce nâest pas de ce cĂŽtĂ© quâil peut opĂ©rer y compris si certaines cures sâaccrochent Ă lâanalyste comme IdĂ©al du moi. Ce qui opĂšre, câest le dĂ©sir de lâanalyste, en tant quâil ne sâen tient pas Ă dĂ©boucher sur le plan des identifications et permet avec la reconnaissance de la pulsion Ă faire Ă©merger la cause soit lâobjet a. VoilĂ ce que dit Lacan de ce que lâanalyste devra faire avec le transfert lâopĂ©ration et la manĆuvre du transfert sont Ă rĂ©gler dâune façon qui maintienne la distance entre le point oĂč le sujet se voit aimable, â et cet autre point oĂč le sujet se voit causĂ© comme manque par a, et oĂč a vient boucher la bĂ©ance que constitue la division inaugurale du sujet[44]. » Cette orientation de la cure a vocation Ă lui assurer une fin conforme Ă son but. Comment, dans la communautĂ© analytique, opĂ©rer dans ce sens puisque le transfert ne sây fonde pas de lâadresse Ă un seul » ? Si le transfert, est bien lâaffirmation du lien du dĂ©sir de lâanalyste au dĂ©sir du patient[45] » â autre maniĂšre de dire son actualitĂ© plutĂŽt que dâen faire une pure rĂ©pĂ©tition â quâaffirmeâtâil dans la communautĂ© ? Peut-ĂȘtre le rapport au dĂ©sir de lâanalyste, mais il nâest pas facile dây appliquer les mĂȘmes mĂ©thodes que dans la cure. Quel usage et quel traitement en faire dans une formation collective ? Si la cure consiste Ă maintenir lâĂ©cart entre le grand I et le petit a, peutâon en tirer leçon pour le transfert de travail ? Il sâagirait de pouvoir mettre en fonction quelque chose de lâordre du a nĂ©cessaire pour sâopposer Ă la rĂ©gression narcissique. Mais, mettre lâobjet a toujours au cĆur de nos liens et nos travaux, quâestâce que cela peut bien vouloir dire ? Je vous rappelle ces mots de Lacan nous disons que nous fondons lâassurance du sujet dans sa rencontre avec la saloperie qui peut le supporter, avec le petit a dont il nâest pas illĂ©gitime de dire que sa prĂ©sence est nĂ©cessaire[46]. » Entre la saloperie et lâidĂ©al, entre la jouissance de lâobjet et celle du moi, nâavons-nous pas Ă tenir, via le transfert comme amour pris dans le rapport au savoir, une voie qui permette de nommer quelque chose Psychanalyse ? Ne devrait-on pas entendre ce passage au nom propre de Psychanalyse, comme ce qui nommant le principe dâun trou dans le savoir permet dâen faire le symptĂŽme de lâignorance ? Si Psychanalyse comme nom propre a retenu mon attention, câest en ce sens quâil pourrait limiter pour chaque groupe analytique, et par consĂ©quent pour chaque analyste, le glissement possible vers lâinfatuation, le narcissisme, soit une fonction parente de lâobjet a â qui lui, reste indicible. Il supplĂ©menterait les groupes et les psychanalystes, les interprĂ©tant comme pas tout, et laisserait ainsi sa chance Ă lâamour, de Psychanalyse. Mais ce baptĂȘme profane estâil un acquis ou bien toujours Ă refaire, par chacun dâentre nous, dans sa pratique comme dans ses engagements associatifs ? Il me semble que chacun peut y prendre sa part, mais reste Ă savoir comment. PeutâĂȘtre en Ćuvrant pour que lâattache Ă Psychanalyse, â quâon pourrait Ă©crire aâtĂąche ou Amour de Psychanalyse â vise un travail et ses fins plus que la constitution dâun groupe comme fin â ce qui pourrait ĂȘtre la dĂ©finition de la foule ? Entendons bien que cette question qui Ă©voque le cartel et les petits groupes de Bion â donc la dissolution â se pose aussi pour la cure. Plus que de rĂ©solution, ne devraitâon pas alors parler de dissolution du transfert ? Chacun ainsi renvoyĂ© Ă sa solitude se trouverait-il engagĂ© par son Amour de Psychanalyse dans un travail dont la vocation serait autre que de le prĂ©server de lâintranquillitĂ© ? RĂ©mi BrassiĂ©, Paris le 16 novembre 2019 notes [1] Pierre Bruno, Sylvianne Cordonnier, VĂ©ronique Sidoit et Laure Thibaudeau ont acceptĂ© de coordonner les rencontres du Pari de Lacan Ă Paris, sur ce thĂšme pour lâannĂ©e 2019-2020. [2] Ces questions font lâobjet du travail que nous menons Ă Toulouse dans le collectif psychanalyse et politique. [3] Jacques Lacan, LâagressivitĂ© en psychanalyse », Ăcrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 107. [4] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, Paris, Seuil, le Champ Freudien 2004, p. 12 comme dans la Proposition dâoctobre 1967 » in Ecrits, Paris, Seuil, Le Champ Freudien,1966, oĂč il formule quâau commencement est le transfert. [5] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, op. citĂ©, p. 183-184. [6] Jacques Lacan Le sĂ©minaire Livre X Lâangoisse, Paris, Seuil, le Champ Freudien 2004, p. 128. [7] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, op. citĂ©, p. 18. Notons aussi [âŠ] vous ne devez dâaucune façon, ni prĂ©conçue, ni permanente, poser comme premier terme de la fin de votre action, le bien, prĂ©tendu ou pas, de votre patient, mais prĂ©cisĂ©ment son Ă©ros. » [8] Sigmund Freud, Remarques sur lâamour de transfert », dans La Technique psychanalytique, Paris, PUF, coll. Quadrige », 2007, p. 153. [9] Cf. Jacques Lacan, Introduction Ă lâĂ©dition allemande des Ăcrits » 1973, dans Autres Ă©crits, op. citĂ©. [10] Jacques Lacan Le sĂ©minaire Livre XI Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. citĂ©, p. 220â221, mais aussi, PremiĂšre version de la proposition du 9 octobre 1967 » in Autres Ă©crits, op. citĂ©, p. 578 Le transfert, je le martĂšle depuis dĂ©jĂ quelque temps, ne se conçoit quâĂ partir du terme du sujet supposĂ© savoir. » ou du mĂȘme ouvrage. [11] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre X Lâangoisse, op. citĂ©, p. 175. [12] Idem, p. 148. Lacan y prĂ©sente lâacting out comme amorce du transfert, transfert sauvage, la question Ă©tant de faire entrer lâĂ©lĂ©phant sauvage dans lâenclos ». [13] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, op. citĂ©, p. 17. [14] Voir par exemple Sigmund Freud, Sur la psychologie du lycĂ©en », in RĂ©sultats, IdĂ©es, ProblĂšmes, tome I, PUF, BibliothĂšque de psychanalyse », Paris, 1984. [15] Voir note 12. [16] Jacques Lacan Le sĂ©minaire Livre XI Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse op. citĂ©, p. 119. Lorsquâil est Ă ciel ouvert, on est dans un autre ordre de difficultĂ©s. [17] Idem, p. 121. [18] Jacques Lacan, Le SĂ©minaire Livre X ; Lâangoisse, op. citĂ©, p. 390. [19] Voir par exemple Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, op. citĂ©, [20] Câest lâidĂ©e de Pierre Bruno dans Aucun commencement » in Psychanalyse YETU n°41. [21] Je vous renvoie Ă la leçon du 20 dĂ©cembre 1961 et aux suivantes du sĂ©minaire sur lâidentification de Lacan. Ainsi quâĂ Lacan, Autres Ă©crits, op. citĂ©, p. 248 On reconnaĂźt Ă la premiĂšre ligne le signifiant S du transfert, câestâĂ âdire dâun sujet, avec son implication dâun signifiant que nous dirons quelconque, câest-Ă -dire qui ne suppose que la particularitĂ© au sens dâAristote toujours bien venu, qui de ce fait suppose encore dâautres choses. Sâil est nommable dâun nom propre, ce nâest pas quâil se distingue par le savoir, comme nous allons le voir. » [22] Pierre Bruno, Du dĂ©sir » in Psychanalyse YETU n°43, ErĂšs, Toulouse, 2019. [23] Idem. [24] Idem, p. 70. [25] Pierre Bruno, Du dĂ©sir » in Psychanalyse YETU n°43, ErĂšs, Toulouse, 2019. [26] Cf. la leçon du 20 dĂ©cembre 1961 du sĂ©minaire sur lâidentification de Lacan. p. 86 de la version ALI [27] Estâce que lâenjeu de la nomination dans la passe ne concerne pas ce nom propreâlĂ ? Je me contente de mentionner la question, qui nous ferait digresser. [28] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire Livre VIII Le transfert, op. citĂ©, p. 386. [29] Idem, p. 457. [30] Jacques Lacan, Le temps logique et lâassertion de certitude anticipĂ©e » in Ă©crits, op. citĂ©, p. 213. [31] Sigmund Freud, Psychologie des foules et analyse du moi » 1921 in Essais de psychanalyse, Paris, Petite BibliothĂšque Payot, 1981, p. 216. [32] Jacques Lacan, Acte de fondation 21 juin 1964 » in Autres Ă©crits, op. citĂ©, la citation figure dans la note adjointe le 28 fĂ©vrier 1971. Je ne lâai retrouvĂ© nulle part ailleurs, mais vous me signalerez peutâĂȘtre dâautres rĂ©fĂ©rences. [33] Comme jâai pu le relever dans ma lecture du numĂ©ro 42 de la revue Psychanalyse YETU. Lâattache » Ă©tait le titre de mon intervention pour Les lecteurs du dimanche, organisĂ©s par Le Pari de Lacan le 16 dĂ©cembre 2018 Ă Paris. Cette tĂąche infinie renvoie bien sĂ»r Ă la tĂąche sans fins » de Freud dans Lâanalyse avec fin et lâanalyse sans fin » 1937, in RĂ©sultats, idĂ©es, problĂšmes tome II 19211938, PUF, Paris, 1985., p. 265. [34] Jacques Lacan, Acte de fondation 21 juin 1964 » in Autres Ă©crits, op. citĂ©, la citation figure dans la note adjointe le 28 fĂ©vrier 1971. [35] Dont VĂ©ronique Sidoit nous a parlĂ© le 12 octobre 2019 pour lâouverture des travaux sur le transfert, sous le titre Qui pro quo et malentendus » [36] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire, Livre I, Les Ă©crits techniques de Freud, Paris, Seuil, 1975, p. 298. [37] Idem, p. 189. [38] Jacques Lacan, Variantes de la cure type » in Ecrits, op. citĂ©, p. 358. [39] Jacques Lacan, Le sĂ©minaire, Livre I, Les Ă©crits techniques de Freud, op. citĂ©, p. 306. [40] Idem. [41] Jacques Lacan Le sĂ©minaire Livre XI Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. citĂ©, p. 211. [42] Idem, p. 210. [43] Idem, p. 211. [44] Idem, p. 248. [45] Idem, p. 229. [46] Idem, p. 232.
Alorsque le don de ce que l'on a est à situer dans l'actuel, et peut se faire dans un silence complet. De plus, dans l'amour, le don est inconditionnel, à savoir qu'il n'attend rien en retour, contrairement au don de ce que à l'on a, qui obéit à la triple obligation : donner, recevoir, rendre décrite par M. Mauss.
Livres L'Ă©dition du Livre XVIII du "SĂ©minaire" de Jacques Lacan. DĂ©livrĂ© en 1970-1971, le sĂ©minaire de Jacques Lacan sur le semblant se prĂ©sente comme la deuxiĂšme Ă©tape d'une interrogation amorcĂ©e par lui en 1958 sur les relations entre l'homme et la femme dans la sociĂ©tĂ© moderne. A travers une bonne transcription et l'ajout d'un index et d'un appareil critique, Jacques-Alain Miller s'est efforcĂ©, pour la quatorziĂšme livraison de ce sĂ©minaire au long cours - dont onze volumes sont encore Ă Ă©tablir -, de simplifier avec bonheur le style de son beau-pĂšre. On dĂ©couvre ici un Lacan soucieux d'opposer le discours de l'inconscient - celui de la jouissance et de la rĂ©pĂ©tition Ă l'Ă©tat brut, inapte Ă toute forme de semblant - Ă un discours de la parade, de l'amour et donc du semblant, nĂ©cessaire Ă toute relation entre l'homme et la femme. Contrairement Ă une tradition paternalocentriste de la psychanalyse, Lacan, influencĂ© ici par Jacques Derrida, tente de dĂ©montrer que dans l'amour et le sexe les deux partenaires ne sont en aucune maniĂšre complĂ©mentaires. L'homme serait l'esclave du semblant, contraint, pour exister, Ă exhiber sans cesse une virilitĂ© qu'il ne contrĂŽle pas, tandis que la femme serait plus proche d'une Ă©preuve de vĂ©ritĂ©, d'une sorte d'Ă©criture ou d'"archi-Ă©criture" qui lui permettrait d'Ă©chapper au semblant. Aussi bien la femme est-elle alors "pas-toute", lĂ oĂč l'homme a besoin d'ĂȘtre un "au moins un", c'est-Ă -dire un "tout", ou, Ă dĂ©faut, un semblant du Tout. D'oĂč l'aphorisme "Il n'y a pas de rapport sexuel", ce qui veut dire, plus simplement, que la relation amoureuse n'est pas un rapport mais plutĂŽt une lutte entre deux contraires, chacun en position dissymĂ©trique en regard de l'autre. Dans cette perspective, la femme n'est donc jamais l'incarnation d'une essence fĂ©minine. Elle n'existe pas comme une totalitĂ© invariante, identique Ă elle-mĂȘme de toute Ă©ternitĂ©, pas plus que l'homme n'est un maĂźtre qui parviendrait Ă la dominer en se donnant l'illusion de sa toute-puissance. Lacan commence ici, sans le dire, Ă rĂ©pondre de façon diffĂ©rĂ©e Ă Simone de Beauvoir en opposant implicitement sa formule - "La femme n'existe pas" - Ă celle avancĂ©e en 1949 dans Le DeuxiĂšme Sexe "On ne naĂźt pas femme, on le devient." Cette thĂ©orie de l'amour, qui sera dĂ©veloppĂ©e plus largement dans le sĂ©minaire Encore, en 1972-1973 Seuil, 1975, permet Ă Lacan de dĂ©construire avec bonheur les vieux mythes de la domination masculine auxquels s'Ă©tait ralliĂ©e, par une psychologisation outranciĂšre du complexe d'Ćdipe, une bonne partie de la communautĂ© psychanalytique. Aussi bien rĂ©pond-il Ă©galement aux critiques anti-oedipiennes qui commençaient Ă ĂȘtre formulĂ©es, par Gilles Deleuze et FĂ©lix Guattari L'Anti-Ćdipe, Minuit, 1972, contre les hĂ©ritiers familialistes de Freud. DIFFĂRENCE DES SEXES NĂ©anmoins, cette thĂ©orie ne l'aide pas Ă saisir l'importance de la nouvelle interrogation sur l'identitĂ© de genre gender, contemporaine pourtant de son propre enseignement, et qui mettait en cause, comme l'avait fait Beauvoir, la mĂȘme tradition essentialiste de la diffĂ©rence des sexes. En tĂ©moigne si nĂ©cessaire sa rĂ©cusation des travaux du grand psychanalyste Robert Stoller sur le transsexualisme, dont il vient de prendre connaissance. Sans doute Lacan a-t-il besoin alors de contourner les innovations de l'Ă©cole amĂ©ricaine pour construire une logique de la sexuation qui, pour flamboyante qu'elle soit, finira par se transformer en une mathĂ©matisation dogmatique de la diffĂ©rence sexuelle ? Le Mythe individuel du nĂ©vrosĂ© Seuil, 116 p., 12 ⏠rĂ©unit trois confĂ©rences donnĂ©es par Lacan entre 1953 et 1956. Deux d'entre elles sont une rĂ©ponse Ă Claude LĂ©vi-Strauss, qui avait comparĂ© la cure psychanalytique Ă la cure chamanistique, et la troisiĂšme est une intervention, inĂ©dite Ă ce jour, sur la fonction religieuse du symbole dans laquelle Lacan, Ă l'invitation du RĂ©vĂ©rend PĂšre Bruno, dialogue avec Mircea Eliade Ă propos de Jean de La Croix. RĂ©futant l'archĂ©type jungien, il tente de faire entendre Ă son interlocuteur ahuri qu'aucune culture humaine ne peut ĂȘtre pensĂ©e comme "plus primitive" qu'une autre puisqu'"un chien cĂ©leste est tout autant un chien que le chien terrestre", l'un et l'autre Ă©tant nommĂ©s par le langage. DĂ©sopilant ! LE SĂMINAIRE, LIVRE XVIII. D'UN DISCOURS QUI NE SERAIT PAS DU SEMBLANT de Jacques Lacan. Texte Ă©tabli par Jacques-Alain Miller, Seuil, 186 p., 21 âŹ. Elisabeth Roudinesco Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă la fois Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce quâune autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez Ă lire ici ? Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. Ce dernier restera connectĂ© avec ce compte. Y a-t-il dâautres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant dâappareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant Ă des moments diffĂ©rents. Vous ignorez qui est lâautre personne ? Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.
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c est quoi l amour en psychanalyse